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La Cour des petites créances” en copropriété

Écrit par Me Sébastien Fiset , LL.B., B.A.A.
Mercredi, 23 Février 2011 12:01

LA COUR DU QUÉBEC, DIVISION DES PETITES CRÉANCES ET LE DROIT DE LA COPROPRIÉTÉ

Contacter l’auteur : s.fiset@fisetlegal.com

Vous habitez un condo et avez subi des dommages dans votre partie privative et vous vous demandez comment obtenir réparation ? Ou, êtes-vous un syndicat de copropriété qui a un copropriétaire délinquant à l’égard de ses charges communes à payer ? Peut-être éprouvez-vous des troubles de voisinage avec les copropriétaires de l’unité voisine ? Vous avez des droits et, comme ressource à votre disposition, sous certaines conditions, vous pouvez obtenir justice à peu de frais: la Cour du Québec, division des petites créances.

Les grandes lignes de la Cour du Québec, division des petites créances :

– réclamation de 7 000 $ et moins, sans les intérêts[1];

– le syndicat de copropriété, s’il est la partie demanderesse, doit avoir au cours des 12 mois écoulés moins de 5 employés (personnes liées par contrat de travail)[2];

– la Demande est présentée devant le tribunal de la localité du domicile ou de la dernière résidence connue du défendeur ou devant le tribunal du lieu où toute la cause d’action a pris naissance ou devant celui du lieu de formation du contrat[3];

Exemples de types de recours présentés aux « petites créances » :

– dommages résultant du défaut d’entretien des parties communes ou de vice de construction ou de conception;

– refus d’un copropriétaire de payer ses charges communes;

– malfaçon ou vice caché;

– non-respect d’un contrat;

– dommage corporels ou matériels;

– hausse de la franchise et/ou des primes d’assurances en raison de la négligence d’un copropriétaire;

– dommages-intérêts en raison de préjudice, stress, troubles, inconvénients et perte de jouissance.

CAS D’APPLICATION EN COPROPRIÉTÉ

Le copropriétaire

Pour poursuivre un syndicat de copropriété, un copropriétaire doit subir un dommage, une dégradation à sa partie privative ou un trouble de jouissance dans son utilisation en raison des travaux à exécuter par le syndicat (art. 1067 C.c.Q.), ou un préjudice moral, corporel ou autre en raison d’une obligation contractuelle du syndicat (art. 1458 C.c.Q.).

Par exemple, des réparations nécessaires à un puits de lumière (partie commune) causent des dommages (infiltration d’eau) au plafond de son appartement (partie privative). Le syndicat de copropriété néglige d’effectuer les réparations nécessaires et d’en aviser ses assureurs (art. 1073 C.c.Q.) et ce, bien que mis en demeure de ce faire. La réclamation sera alors en dommages et pour obtenir une compensation du préjudice ainsi causé.

Comme dans tout recours, la preuve doit être fournie selon la balance des probabilités. Il doit être démontré (1) la faute du syndicat, le (2) dommage subi par le copropriétaire et (3) le lien de causalité entre la faute et le dommage.

Le syndicat

Un syndicat peut poursuivre devant la Cour du Québec, division des petites créances, pour toutes ses créances admissibles de moins de 7 000 $.

À titre d’exemple, un syndicat qui poursuit un copropriétaire pour les charges communes impayées devrait à fournir à l’appui de sa Demande une série de documents tels :

– une copie de la déclaration de copropriété prévoyant les procédures de cotisation et recouvrement de charges communes.

– les règlements en ce qui regarde les frais d’administration, intérêts et pénalités. Aux termes de l’article 1054 du Code civil du Québec :

« Le règlement de l’immeuble contient les règles relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien des parties privatives et communes, ainsi que celles relatives au fonctionnement et à l’administration de la copropriété.

Le règlement porte également sur la procédure de cotisation et de recouvrement des contributions aux charges communes. »

– une copie de la dernière déclaration annuelle produite auprès du Registraire des entreprises[4];

– une copie du budget transmis à la collectivité des copropriétaires avec l’avis de cotisation pour l’assemblée annuelle (art. 1087 C.c.Q.) :

« L’avis de convocation de l’assemblée annuelle des copropriétaires doit être accompagné, en plus du bilan, de l’état des résultats de l’exercice écoulé, de l’état des dettes et créances, du budget prévisionnel, de tout projet de modification à la déclaration de copropriété et d’une note sur les modalités essentielles de tout contrat proposé et de tous travaux projetés. »

– une copie du procès-verbal de l’assemblée des copropriétaires où le budget a été soumis aux copropriétaires pour consultation (art. 1072 C.c.Q.);

– une copie du procès-verbal du conseil d’administration ayant fixé le budget (art. 1072 C.c.Q.)[5];

– une copie de l’avis de cotisation transmis au copropriétaire en défaut;

– une copie de la mise en demeure et de l’état de compte préalablement transmis au copropriétaire en défaut[6];

– une résolution du conseil d’administration mandatant un administrateur pour représenter le syndicat devant la Cour du Québec, division des petites créances.[7]

Si nécessaire, le greffier de la Cour peut vous assister dans le processus de la préparation de votre Demande, sans toutefois être en mesure de vous fournir d’avis juridique.

Attention : le fait que les « petites créances » représentent un recours peu coûteux, cela ne doit pas pour autant encourager d’entamer des procédures à la légère, pensant qu’on n’a rien à y perdre. Si votre recours n’est pas jugé « justifié », vous pourriez être tenus de rembourser les frais et dépens que le défendeur a dû engagés pour sa défense.

Consulter un avocat vous aidera à prévenir ceci avant d’entreprendre des démarches sérieuses. Celui-ci vous indiquera grâce à sa connaissance du Code civil du Québec et de la jurisprudence applicable à produire quelles sont les meilleures avenues dans votre situation.

Entreprendre un recours, peu importe la juridiction, doit être tout réfléchi.

AVANT DE POURSUIVRE, DÉNONCEZ !

Il est requis au préalable de laisser au fautif le temps et les moyens de remédier d’abord à la situation qui vous cause préjudice.

Pour cela, une mise en demeure devra lui être transmise. Vous lui exposerez les faits, la faute commise, le préjudice (dommage) que vous subissez et lui démontrerez en quoi elle en est responsable (lien de causalité entre la faute et le dommage). Vous lui accorderez un délai raisonnable pour s’exécuter et réparer le préjudice. Il va sans dire qu’une telle correspondance se doit d’être transmise avec preuve de réception (huissier, courrier recommandé, remise en main propre avec récépissé, etc.) pour en faire la preuve ultérieure devant la Cour.

Pour des dommages physiques, émettre des plaintes formelles, à la police par exemple, ajoutera à votre témoignage si vous choisissez de poursuivre en justice.

Cette première franchie, vous saurez que vous aurez exploré les moyens à votre disposition pour tenter de conclure un règlement hors de Cour et obtiendrez une preuve supplémentaire de l’inertie du défendeur qui vous servira à démontrer sa conduite devant la Cour le moment venu.

PRÉPARER VOTRE PREUVE

La preuve en matière civile se fait selon la « balance des probabilités » et, sauf exception, le fardeau d’en faire la preuve appartient au demandeur.

Le juge doit également adhérer en la légitimité de votre témoignage et de votre preuve plus qu’en celle de la défense présentée. Vous démontrerez ceci par les documents et témoignages que vous lui fournirez.

Par exemple, en dommages, il peut être nécessaire pour le juge d’avoir :

Acte juridiques :

Acte qui définit l’intention ou la volonté : contrat (acte d’achat, déclaration de copropriété, soumission acceptée, facture, etc.).

Preuve documentaire :

Tels que cité plus haut dans le cas d’un syndicat poursuivant un copropriétaire débiteur, la pertinence de joindre tous les documents requis aura une grande influence sur le droit au jugement recherché. Notez dans le moindre détail les évènements, les plaintes (date, heure, lieu, numéro de plainte), les raisons précises de vos plaintes, etc.

Preuve d’experts :

Rapport écrit d’un spécialiste reconnu faisant foi de l’évaluation du dommage.

Attention : cela ne dégage par l’expert d’être présent lors de l’audition pour en témoigner.

Jurisprudence et doctrine :

Jugements et doctrine applicables en droit et rendus dans des cas similaires. Il est possible de consulter un avocat ou un notaire quant à la doctrine et la jurisprudence pouvant s’appliquer à votre cause.

Preuve testimoniale :

Votre témoignage se doit d’être oral. Puisqu’on ne peut rapporter les paroles de quelqu’un d’autre sans avoir été soi-même présent, vous devrez préparer à l’avance votre liste de témoins (voisins, experts). Une fois la date d’audition fixée, vous vous assurerez également par la suite que vos témoins seront disponibles et présents pour venir témoigner.

LE JUGEMENT

Le jugement qui sera rendu à la Cour du Québec, division des petites créances est en principe sans appel[8].

De plus, aux termes de l’article 986 du Code de procédure civile :

« Sauf si le juge en a ordonné autrement, le jugement peut être exécuté à l’expiration de 30 jours suivant la date à laquelle il a été rendu. S’il est rendu par défaut, ce délai est de 10 jours. Toutefois, le créancier peut, si dans un écrit appuyé de son serment il établit l’un des faits donnant ouverture à une saisie avant jugement, obtenir du juge l’autorisation d’exécuter avant l’expiration de ce délai.

Si le jugement a ordonné le paiement de la créance par versements ou a entériné une entente intervenue entre le créancier et le débiteur et que ce dernier n’acquitte pas un versement à échéance, le créancier peut demander par écrit au débiteur de lui payer la somme due. Si le débiteur n’effectue pas le versement dans les 10 jours de la demande, la totalité de la dette devient exigible et l’exécution est poursuivie. »

L’exécution

Une fois en main le jugement, aux termes du Code de procédure civile :

« 992. Le créancier peut s’adresser soit à un huissier, soit à un avocat pour faire exécuter le jugement; lorsqu’il est une personne physique, il peut également avoir recours aux services du greffier ou de la personne désignée par le ministre.

993. Les frais versés au greffier ou à la personne désignée par le ministre et les honoraires des huissiers et des avocats assumés par le créancier pour l’exécution du jugement peuvent être réclamés du débiteur dans les limites des tarifs prévus à ces fins; cette créance est immédiatement exigible du débiteur. »

* * * * *

Comme vous pouvez le constater, des remèdes peu couteux par la Cour du Québec, division des petites créances, existent et peuvent être utilisés en cas de besoin.

L’information fournie sur cette page est de nature générale et ne saurait pallier le besoin d’obtenir des conseils juridiques propres à une situation particulière.


[1] Article 953 (a) et suivants du Code de procédure civile.

[2] Article 961 du Code de procédure civile.

[3] Article 958 du Code de procédure civile.

[4] Articles 335 et 1084 C.c.Q.

[5] Voir également les articles 1070, 336 et 337 C.c.Q.

[6] Article 1054 C.c.Q.

[7] Notez qu’un gérant (gestionnaire de copropriété) pourrait représenter le syndicat à la condition que ce dernier ne soit qu’au service dudit syndicat et soit lié par un contrat de travail (art. 959 al. 2 C.p.c.). Ainsi, une firme de gestion ne pourra offrir ce genre de prestation aux syndicats pour lesquels elle rend ses services.

[8] Article 984 du Code de procédure civile.

Mise à jour le Samedi, 16 Août 2014 16:46

Me Sébastien Fiset
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