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L’avis d’hypothèque légale – recours du syndicat de copropriété

Écrit par Me Sébastien Fiset , LL.B., B.A.A.
Mardi, 30 Novembre 2010 13:31

L’HYPOTHÈQUE LÉGALE – RECOURS DU SYNDICAT DE COPROPRIÉTÉ

Contacter l’auteur : s.fiset@fisetlegal.com

L’objet du syndicat étant de veiller aux intérêts des copropriétaires, l’hypothèque légale peut, dans l’exercice de cet objectif, être un des moyens d’assurer la conservation de l’immeuble et permettre au syndicat d’effectuer les opérations d’intérêt commun requises.

En cas de non-paiement depuis plus de trente (30) jours de sa quote-part pour les charges communes ou fonds de prévoyance, un copropriétaire peut se voir grever une hypothèque légale sur sa fraction de copropriété.

L’article 2724 du Code civil du Québec prévoit en effet que :

«2724. Les seules créances qui peuvent donner lieu à une hypothèque légale sont les suivantes:

1° Les créances de l’État pour les sommes dues en vertu des lois fiscales, ainsi que certaines autres créances de l’État ou de personnes morales de droit public, spécialement prévues dans les lois particulières;

2° Les créances des personnes qui ont participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble;

La créance du syndicat des copropriétaires pour le paiement des charges communes et des contributions au fonds de prévoyance;

4° Les créances qui résultent d’un jugement. »

[Les caractères gras sont nôtres]

Cette hypothèque légale vaudra pour l’année financière (du syndicat) en cours mais aussi pour les deux (2) années suivantes :

« 2729. L’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires grève la fraction du copropriétaire en défaut, pendant plus de 30 jours, de payer sa quote-part des charges communes ou sa contribution au fonds de prévoyance; elle n’est acquise qu’à compter de l’inscription d’un avis indiquant la nature de la réclamation, le montant exigible au jour de l’inscription de l’avis, le montant prévu pour les charges et créances de l’année financière en cours et celles des deux années qui suivent. » – Code civil du Québec

[Les soulignés sont nôtres]

Un syndicat doit être une copropriété divise et être bien constituée pour se prévaloir de ce recours.[1]

Suivant la publication de l’avis d’hypothèque légale, le syndicat dispose d’un délai de trois (3) ans pour récupérer les sommes dues, soit :

i) en entreprenant un recours hypothécaire à la suite de la publication d’un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire (pour prise en paiement, administration du bien, le vendre lui-même ou sous contrôle de justice, soixante (60) jours suivant la publication du préavis d’exercice);

ii) ou en intendant un recours personnel, en justice (à la Cour du Québec, à sa division des petites créances ou à la Cour supérieure, selon le montant de la créance ou de l’objet en litige).

En effet, aux termes de l’article 2748 du Code civil du Québec :

« Outre leur action personnelle et les mesures provisionnelles prévues au Code de procédure civile, les créanciers ne peuvent, pour faire valoir et réaliser leur sûreté, exercer que les droits hypothécaires prévus au présent chapitre.

Ils peuvent ainsi, lorsque leur débiteur est en défaut et que leur créance est liquide et exigible, exercer les droits hypothécaires suivants: ils peuvent prendre possession du bien grevé pour l’administrer, le prendre en paiement de leur créance, le faire vendre sous contrôle de justice ou le vendre eux-mêmes. »

Il est très important pour le syndicat de veiller à ce que cesdites procédures soient entreprises avant l’expiration du trois (3) ans car l’article 2800 C.c.Q. prévoit en effet que :

« L’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires sur la fraction d’un copropriétaire s’éteint trois ans après son inscription, à moins que le syndicat, afin de la conserver, ne publie une action contre le propriétaire en défaut ou n’inscrive un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire. »

[Les caractères gras et soulignés sont nôtres]

L’article 3061 C.c.Q. reprend cette même notion :

« L’inscription de l’hypothèque légale du syndicat des copropriétaires sur la fraction d’une copropriété est radiée, à la réquisition de tout intéressé, à l’expiration des trois ans de sa date, à moins qu’une action n’ait été préalablement intentée et publiée. »

[Les soulignés sont nôtres]

ATTENTION :

1) Au moment où le copropriétaire fautif s’acquitte de ses dettes envers le syndicat, l’hypothèque légale n’a plus d’objet. Il appartient alors au copropriétaire débiteur de la faire radier à ses frais pour en interrompre ses effets. Ceci fait, s’il y a récidive, le syndicat devra procéder à l’inscription d’une nouvelle hypothèque légale (art. 2661 et 2797 C.c.Q.);

2) Chaque défaut de paiement des charges communes se prescrit lui-même dans un délai de trois (3) ans de son exigibilité (art. 2925 C.c.Q.).

Rang dans les créances

L’hypothèque légale d’un syndicat ne bénéficie d’aucun rang spécial parmi les créanciers d’un copropriétaire. La date d’inscription des hypothèques détermine l’ordre dans lequel les créances seront acquittées lors d’une vente. L’ordre logique des choses veut qu’un créancier hypothécaire de premier rang soit inscrit avant une hypothèque légale.

Notons par ailleurs qu’aux termes de l’article 1069 du Code civil du Québec :

« Celui qui, par quelque mode que ce soit, y compris par suite de l’exercice d’un droit hypothécaire, acquiert une fraction de copropriété divise est tenu au paiement de toutes les charges communes dues relativement à cette fraction au moment de l’acquisition.

Celui qui se propose d’acquérir une fraction de copropriété peut néanmoins demander au syndicat des copropriétaires un état des charges communes dues relativement à cette fraction et le syndicat est, de ce fait, autorisé à le lui fournir, sauf à en aviser au préalable le propriétaire de la fraction ou ses ayants cause; le proposant acquéreur n’est alors tenu au paiement de ces charges communes que si l’état lui est fourni par le syndicat dans les 15 jours de la demande.

L’état fourni est ajusté selon le dernier budget annuel des copropriétaires. »

[Les soulignés sont nôtres]

L’avis d’une hypothèque légale

L’avis d’une hypothèque légale doit, pour être valide, comporter les informations suivantes :

  • La date et lieu où cet avis a été fait;
  • Le nom de la personne (copropriétaire débiteur) visée par l’avis;
  • La description de la fraction de copropriété doit être précise;
  • Le nom du bénéficiaire (syndicat) et de celui autorisé par lui à émettre l’avis;
  • La nature de la réclamation (charges communes et/ou cotisation au fonds de prévoyance et/ou cotisation spéciale impayées);
  • Le montant dû au moment de l’inscription (état de compte à jour)[2];
  • Le montant au syndicat pour le reste de l’année financière en cours (charges communes, versement(s) au fonds de prévoyance et cotisations spéciales, le cas échéant);
  • Le montant prévu par le syndicat pour les deux (2) années financières subséquentes (charges communes, versement(s) au fonds de prévoyance et cotisations spéciales, le cas échéant);
  • Signature du représentant autorisé par le syndicat et attestation par un avocat ou un notaire;

Un avis d’adresse peut être publié afin de tenir le syndicat informé des publications pouvant affecter son droit inscrit (art. 3017 C.c.Q.) et être en mesure de prendre les actions conséquentes, si requis.

L’avis d’hypothèque n’a pas à être signifié au débiteur. Cependant, sa signification obtient bien souvent un impact positif.

En plus des déboursés de publication, il peut être possible de réclamer les frais d’avocat engendrés par une telle procédure si la déclaration de copropriété le prévoit expressément. Dans le cas contraire, une modification à la déclaration de copropriété pourrait peut-être être à envisager. Consultez votre conseiller juridique.

Notez cependant que si un préavis d’exercice a été publié, aux termes de l’article 2762 du Code civil du Québec :

« Le créancier qui a donné un préavis d’exercice d’un droit hypothécaire n’a le droit d’exiger du débiteur aucune indemnité autre que les intérêts échus et les frais engagés.

Nonobstant toute stipulation contraire, les frais engagés excluent les honoraires extrajudiciaires dus par le créancier pour des services professionnels qu’il a requis pour recouvrer le capital et les intérêts garantis par l’hypothèque ou pour conserver le bien grevé.»

Bien que l’hypothèque légale est une bonne manière d’inciter les copropriétaires négligents de voir à acquitter leurs charges communes, le fait de leur exposer initialement, par l’envoi d’une mise en demeure, l’intention du syndicat de publier telle créance sur leur titre peut avoir un effet assez dissuasif et les inciter à payer leur quote-part plutôt que de voir leur réputation financière affectée, être en défaut vis-à-vis de leur créance hypothécaire (le cas échéant) et avoir à défrayer les frais d’une telle inscription et de la radiation de cette dernière après avoir acquitté leur créance.

L’information fournie sur cette page est de nature générale et ne saurait pallier le besoin d’obtenir des conseils juridiques propres à une situation particulière.


[1] Vicanek et al. c. Les Services Redpath inc., RDI 858, J.E. 2002-2019

[2] Il faut s’assurer que les cotisations aient été validement adoptées par le conseil d’administration du syndicat, suivant la consultation de l’assemblée des copropriétaires (art. 1072 C.c.Q.).

Mise à jour le Mardi, 12 Février 2013 11:03

Me Sébastien Fiset
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