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Dispute entre voisins – vos droits et recours

Écrit par Me Sébastien Fiset , LL.B., B.A.A.
Vendredi, 27 Décembre 2013 20:46

LES TROUBLES DU VOISINAGE EN DROIT IMMOBILIER ET DE LA COPROPRIÉTÉ

Les rapports de bon voisinage ne sont pas toujours évidents. L’article 976 du Code civil du Québec prévoit que « les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux ».

En droit de la copropriété, l’article 1063 du Code civil du Québec ajoute que « chaque copropriétaire dispose de sa fraction; il use et jouit librement de sa partie privative et des parties communes, à la condition de respecter le règlement de l’immeuble et de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble ».

Quantité de problèmes, volontaires ou non, peuvent si facilement miner nos relations entre voisins que le Code civil du Québec a prévu une série de dispositions à cet effet.

Les limites de propriété

Le droit de propriété des clôtures selon le Code Civil du Québec

Selon le code civil du Québec, une clôture à la limite de deux terrains est considérée comme mitoyenne, sauf si le propriétaire peut prouver qu’il a aménagé des clôtures lui-même. Des voisins peuvent également s’accorder pour partager la propriété de clôtures mitoyenne.

D’après le code civil du Québec, une clôture mitoyenne est à la responsabilité des propriétaires.

Si vous prévoyez installer une clôture autour de votre terrain, afin de respecter les limites de votre propriété, il est conseillé de requérir les services d’un arpenteur-géomètre pour effectuer le piquetage de votre terrain. Ainsi, des repères indiquant les limites à respecter vous éviteront bien des soucis tel un empiètement sur le terrain voisin et l’obligation qui s’en suivrait de retirer ou déplacer votre clôture.

Dans le cas où un différend naissait entre voisins quant aux limites respectives des terrains, un bornage serait alors à envisager. Il établirait de façon irrévocable et permanente la limite entre les deux propriétés.

Il est prévu aux termes de l’article 978 C.c.Q. :

« Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës pour établir les bornes, rétablir des bornes déplacées ou disparues, reconnaître d’anciennes bornes ou rectifier la ligne séparative de leurs fonds.

 

Il doit au préalable, en l’absence d’accord entre eux, mettre le voisin en demeure de consentir au bornage et de convenir avec lui du choix d’un arpenteur-géomètre pour procéder aux opérations requises, suivant les règles prévues au Code de procédure civile.

 

Le procès-verbal de bornage doit être inscrit au registre foncier. »

Enfin, dans le cas où l’une des parties contesterait les conclusions du bornage de l’arpenteur-géomètre, il en sera alors au tribunal de la Cour supérieure d’en décider.

L’empiètement

Vous vous apercevez que la remise ou la nouvelle piscine de votre voisin empiète sur votre terrain ?

Dans le cas d’une construction temporaire (piscine, spa, cabanon), il est aisé de demander le déplacement de celle-ci ou une indemnité pour la perte « temporaire » de l’usage de cette partie de terrain. Mais dans le cas d’une construction « permanente » tel un garage, les choses se compliquent.

L’article 992 C.c.Q. prévoit :

« Le propriétaire de bonne foi qui a bâti au-delà des limites de son fonds sur une parcelle de terrain qui appartient à autrui doit, au choix du propriétaire du fonds sur lequel il a empiété, soit acquérir cette parcelle en lui en payant la valeur, soit lui verser une indemnité pour la perte temporaire de l’usage de cette parcelle.

 

Si l’empiétement est considérable, cause un préjudice sérieux ou est fait de mauvaise foi, le propriétaire du fonds qui le subit peut contraindre le constructeur soit à acquérir son immeuble et à lui en payer la valeur, soit à enlever les constructions et à remettre les lieux en l’état. »

En droit de copropriété, si un copropriétaire entreprend d’ériger, sans autorisation préalable du syndicat, une structure ou d’agrandir la terrasse dont il a l’usage, les tribunaux peuvent contraindre ce copropriétaire par une injonction provisoire de cesser sa construction sur-le-champ et par voie d’injonction permanente, de retirer celle-ci et de remettre la propriété dans son état initial, à ses frais.

L’article 1039 C.c.Q. indique que :

« La collectivité des copropriétaires constitue, dès la publication de la déclaration de copropriété, une personne morale qui a pour objet la conservation de l’immeuble, l’entretien et l’administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d’intérêt commun. »

L’article 1080 C.c.Q. précise que :

« Lorsque le refus du copropriétaire de se conformer à la déclaration de copropriété cause un préjudice sérieux et irréparable au syndicat ou à l’un des copropriétaires, l’un ou l’autre peut demander au tribunal de lui enjoindre de s’y conformer.

 

Si le copropriétaire transgresse l’injonction ou refuse d’y obéir, le tribunal peut, outre les autres peines qu’il peut imposer, ordonner la vente de la fraction conformément aux dispositions du Code de procédure civile (chapitre C-25) relatives à la vente du bien d’autrui. »

L’article 1097 C.c.Q. prévoit :

« Sont prises à la majorité des copropriétaires, représentant les 3/4 des voix de tous les copropriétaires, les décisions qui concernent:

1- Les actes d’acquisition ou d’aliénation immobilière par le syndicat;

2- Les travaux de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration des parties communes, ainsi que la répartition du coût de ces travaux;

3- La construction de bâtiments pour créer de nouvelles fractions;

4- La modification de l’acte constitutif de copropriété ou de l’état descriptif des fractions. »

L’accès à la propriété du voisin et le droit de passage

Un voisin sonne chez vous et vous demande d’avoir accès à votre cour pour peindre le mur de son garage situé aux limites de son terrain et du vôtre. Êtes-vous contraint de le laisser circuler sur votre propriété ?

Votre voisin, tout comme vous, avez le droit d’accès à la propriété voisine pour effectuer par exemple des travaux de réparations ou de construction. Cependant, la règle de bon voisinage, si ce n’est de courtoisie, veut qu’un avis verbal ou écrit soit au préalable transmis à cet effet.

Nous pouvons lire aux termes des articles 987 et 988 du Code civil du Québec :

« 987. Tout propriétaire doit, après avoir reçu un avis, verbal ou écrit, permettre à son voisin l’accès à son fonds si cela est nécessaire pour faire ou entretenir une construction, un ouvrage ou une plantation sur le fonds voisin. »

 

« 988. Le propriétaire qui doit permettre l’accès à son fonds a droit à la réparation du préjudice qu’il subit de ce seul fait et à la remise de son fonds en l’état. »

Certaines propriétés, en rangées par exemple, empêchent même d’avoir accès direct à la voie publique. À cet effet, le Code civil du Québec prévoit ceci :

« 997. Le propriétaire dont le fonds est enclavé soit qu’il n’ait aucune issue sur la voie publique, soit que l’issue soit insuffisante, difficile ou impraticable, peut, si on refuse de lui accorder une servitude ou un autre mode d’accès, exiger de l’un de ses voisins qu’il lui fournisse le passage nécessaire à l’utilisation et à l’exploitation de son fonds.

 

Il paie alors une indemnité proportionnelle au préjudice qu’il peut causer. »

 

« 998. Le droit de passage s’exerce contre le voisin à qui le passage peut être le plus naturellement réclamé, compte tenu de l’état des lieux, de l’avantage du fonds enclavé et des inconvénients que le passage occasionne au fonds qui le subit. »

 

« 1000. Le bénéficiaire du droit de passage doit faire et entretenir tous les ouvrages nécessaires pour que son droit s’exerce dans les conditions les moins dommageables pour le fonds qui le subit. »

Droit de vues

Le Code civil du Québec prévoit des règles à suivre quant aux vues directes entre propriétés voisines. On peut y lire :

« 993. On ne peut avoir sur le fonds voisin de vues droites à moins d’un mètre cinquante de la ligne séparative.

 

Cette règle ne s’applique pas lorsqu’il s’agit de vues sur la voie publique ou sur un parc public, ou lorsqu’il s’agit de portes pleines ou à verre translucide. »

 

« 994. La distance d’un mètre cinquante se mesure depuis le parement extérieur du mur où l’ouverture est faite et perpendiculairement à celui-ci jusqu’à la ligne séparative. S’il y a une fenêtre en saillie, cette distance se mesure depuis la ligne extérieure. »

 

« 995. Des jours translucides et dormants peuvent être pratiqués dans un mur qui n’est pas mitoyen, même si celui-ci est à moins d’un mètre cinquante de la ligne séparative. »

 

« 996. Le copropriétaire d’un mur mitoyen ne peut y pratiquer d’ouverture sans l’accord de l’autre. »

Les clôtures et les haies

Le choix de clôture ou de haie et la responsabilité de leur entretien dépendent de l’endroit où celles-ci sont installées. Par exemple, si votre clôture a été installée entièrement sur votre terrain, vous êtes seul à faire le choix[1] et l’entretien de celle-ci. Cependant, si celle-ci est mitoyenne, tel que décrit aux termes de l’article 1003 C.c.Q., vous vous devrez de partager alors les frais et les tâches d’entretien.

Article 1003 C.c.Q. :

« Toute clôture qui se trouve sur la ligne séparative est présumée mitoyenne. De même, le mur auquel sont appuyés, de chaque côté, des bâtiments est présumé mitoyen jusqu’à l’héberge. »

 

Article 1006 C.c.Q. :

« L’entretien, la réparation et la reconstruction du mur mitoyen sont à la charge des propriétaires, proportionnellement aux droits de chacun.

 

Le propriétaire qui n’utilise pas le mur mitoyen peut abandonner son droit et ainsi se libérer de son obligation de contribuer aux charges, en produisant un avis en ce sens au bureau de la publicité des droits et en transmettant sans délai une copie de cet avis aux autres propriétaires. Cet avis emporte renonciation à faire usage du mur. »

Le refus de collaboration d’un voisin ayant une clôture mitoyenne avec vous peut être porté devant les tribunaux. Mais l’envoi d’une mise en demeure est, dans certains cas, suffisant.

Écoulement des eaux

L’écoulement de l’eau de votre toit peut devenir une situation conflictuelle si celle-ci s’écoule chez votre voisin. Elle peut même engendrer des dégradations importantes à sa propriété. Ce qui se trouve sur votre terrain doit le rester.

En effet, l’article 983 C.c.Q. prévoit :

« Les toits doivent être établis de manière que les eaux, les neiges et les glaces tombent sur le fonds du propriétaire. »

Ainsi, la neige, la glace et l’eau qui s’écoulent de votre toit doivent demeurer sur votre propriété et être convenablement évacuées.

L’installation d’un système d’évacuation des eaux pluviales adéquat (composé de gouttières, tuyaux de descente, de déflecteurs, de tuyaux flexibles et de blocs parapluie) ainsi qu’un entretien rigoureux sont de mise.

De même, lors d’une vidange d’une piscine, toutes les précautions doivent être prises afin que les terrains voisins ne soient pas inondés !

Les arbres

Des branches de l’arbre de votre voisin vous incommodent sur votre patio ? Ses racines s’étendent jusque dans votre jardin ?

Le Code civil du Québec prévoit à cet égard ceci :

« 984. Les fruits qui tombent d’un arbre sur un fonds voisin appartiennent au propriétaire de l’arbre. »

 

« 985. Le propriétaire peut, si des branches ou des racines venant du fonds voisin s’avancent sur son fonds et nuisent sérieusement à son usage, demander à son voisin de les couper; en cas de refus, il peut le contraindre à les couper.

 

Il peut aussi, si un arbre du fonds voisin menace de tomber sur son fonds, contraindre son voisin à abattre l’arbre ou à le redresser. »

Le bruit

Plusieurs municipalités prévoient des normes quant au niveau maximal de décibels permis en regard, par exemple, d’une thermopompe et quant à son emplacement.

Des jours ou des heures peuvent même être interdites à la tonte de pelouse dans certaines localités.

Un voisin ayant la fâcheuse habitude de klaxonner, de déclencher son système d’alarme sans arrêt, ou de crier à tue-tête après ses gamins à l’extérieur, peut constituer une atteinte excessive à la tranquillité du voisinage[2].

Vous bénéficiez de recours auprès des tribunaux en cas de trouble sérieux à votre tranquillité. Le caractère excessif de l’inconvénient démontré par une répétitivité, une intensité et une longue durée peuvent prouver que le trouble n’est pas un « trouble normal »[3] de voisinage.

En droit de la copropriété, vous devez vous en référer également aux termes de la déclaration de copropriété.

Les animaux

Les maîtres sont responsables de leurs animaux domestiques en tout temps. Ils doivent veiller à ce que ces derniers ne nuisent pas au voisinage par leurs hurlements répétitifs ou nocturnes, ainsi que par leur agressivité.

Les propriétaires d’animaux domestiques peuvent être tenus de réparer tout dégât matériel ou corporel, ainsi que les préjudices moraux que leurs compagnons domestiques peuvent provoquer.

L’article 1466 du Code civil du Québec prévoit à cet égard que :

« Le propriétaire d’un animal est tenu de réparer le préjudice que l’animal a causé, soit qu’il fût sous sa garde ou sous celle d’un tiers, soit qu’il fût égaré ou échappé.

 

La personne qui se sert de l’animal en est aussi, pendant ce temps, responsable avec le propriétaire. »

Les locataires dérangeants

Tout propriétaire louant sa propriété est responsable de ses locataires.

Si vous avez un sujet de plainte à formuler contre un voisin locataire, outre le locataire lui-même, vous devriez également vous adresser au propriétaire (verbalement ou par écrit) et l’enjoindre à faire cesser le trouble sans délai.

En droit de la copropriété, un exemplaire de la déclaration de copropriété doit être remis aux locataires et ceux-ci se doivent de s’y conformer comme tous autres copropriétaires[4].

Il est prévu à l’article 1057 du Code civil du Québec :

« Le règlement de l’immeuble est opposable au locataire ou à l’occupant d’une partie privative, dès qu’un exemplaire du règlement ou des modifications qui lui sont apportées lui est remis par le copropriétaire ou, à défaut, par le syndicat. »

L’article 1079 permet au syndicat d’intervenir auprès de locataires délinquants :

« Le syndicat peut, après avoir avisé le locateur et le locataire, demander la résiliation du bail d’une partie privative lorsque l’inexécution d’une obligation par le locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble. »

En conclusion, la première solution à envisager lors de tout problème de voisinage est la communication verbale ou écrite. Vous pouvez vous en reporter au bureau de votre municipalité pour connaître les règlements en vigueur, l’endroit où adresser une plainte ou, si vous habitez une copropriété, vous reporter auprès de votre syndicat.

Dans le cas où les « négociations » échouent, les tribunaux peuvent voir à faire cesser le trouble et indemniser les victimes[5].

L’article 1457 du Code civil du Québec stipule :

« Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

 

Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.

 

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde. »

En droit de la copropriété, l’article 1458 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit entre copropriétaires :

« Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.

Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables. »

Si vous êtes aux prises avec un problème de voisinage et avez besoin de conseils, n’hésitez pas à communiquer avec un professionnel juridique. Celui-ci vous éclairera dans vos droits et vous aidera à résoudre celui-ci.


[1] N’oubliez cependant pas de vous renseigner auprès de votre municipalité en regard du type de clôture permis.

[2] Massicotte c. Bentivegna, 2009 QCCQ 6353, SOQUIJ AZ-50564901, B.E. 2009BE-731

[3] Voir le départage fait par les tribunaux entre les troubles « normaux » et les troubles « excessifs » de voisinage : Ciment du Saint-Laurent inc. c. Barrette, 2008 CSC 64, SOQUIJ AZ-50521756, J.E. 2008-2164, [2008] 3 R.C.S. 392; Sirois c. Rosario Poirier inc., 2009 QCCQ 1303, SOQUIJ AZ-50539804, J.E. 2009-566; Groupe Serge Lessard & Associés inc. c. Beaulieu, 2008 QCCS 1302, SOQUIJ AZ-50483580, J.E. 2008-997; Papineau c. Roland Boucher Consultant inc., 2009 QCCQ 890, SOQUIJ AZ-50536726, B.E. 2009BE-307; Caron c. Farina, 2009 QCCQ 3487, SOQUIJ AZ-50552646, J.E. 2009-997; Beaudin c. Dansereau, 2009 QCCQ 3874, SOQUIJ AZ-50554363, B.E. 2009BE-565.

[4] Voir également notre texte « Les troubles de jouissance des copropriétaires et le droit »

[5] Nous vous invitons à lire nos textes « La Cour du Québec, division des petites créances et le droit de la copropriété », « La mise en demeure » et « Les troubles de jouissance des copropriétaires et le droit »

 

Mise à jour le Vendredi, 15 Août 2014 15:40

Me Sébastien Fiset
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