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LA COPROPRIÉTÉ DIVISE: LES PRINCIPES DE VIE ET LEURS MODALITÉS

En copropriété divise, plusieurs termes sont utilisés pour désigner les règles et les mesures auxquelles sont soumis les copropriétaires, les locataires et les occupants. On parlera tantôt de conventions (contrats et baux), tantôt de règlement d’immeuble ou encore de règlement de gestion.

Si, a priori, chacun de ces termes vise des mesures qui s’appliquent aux copropriétaires (et locataires), ils désignent également différents niveaux dans la hiérarchie des règles applicables en copropriété. Des précisions à ce sujet s’imposent donc dans la mesure où elles permettent de déterminer la juridiction des organes du syndicat, savoir l’assemblée générale et le conseil d’administration, qui peuvent les adopter ainsi que les majorités requises pour leur adoption. Le processus à suivre pour qu’ils soient opposables aux copropriétaires présents et à venir en est également tributaire.

  1. LA DÉCLARATION DE COPROPRIÉTÉ ET LES RÈGLEMENTS DE GESTION

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code civil du Québec (ci-après le « C.c.Q. »), le 1er janvier 1994, la déclaration de copropriété d’un immeuble en copropriété divise comprend trois parties, savoir (1) l’acte constitutif de copropriété; (2) le règlement de l’immeuble; et (3) l’état descriptif des fractions[1]

  1. L’acte constitutif de copropriété contient notamment les mesures et règles de nature et d’un caractère plus permanent ainsi que celles qui nécessitent un degré de protection accru des intérêts individuels et collectifs des copropriétaires.
  • Le règlement de l’immeuble contient notamment les règles relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien des parties privatives et communes, ainsi que celles relatives au fonctionnement et à l’administration de la copropriété. 
  • L’état descriptif des fractions[2] contient la désignation cadastrale des parties privatives et des parties communes de l’immeuble. L’état descriptif des fractions comprend également une description des droits réels grevant l’immeuble ou en sa faveur (par exemple, les servitudes), mais à l’exception des hypothèques et sûretés additionnelles qui s’y greffent, par la suite, durant la durée de vie du syndicat. Par ailleurs, puisqu’il ne comporte aucune convention ni règlement, il ne fera pas l’objet du présent texte.

Finalement, le Code civil du Québec prévoit aussi que le conseil d’administration peut adopter des règlements de gestion[3]. Cette notion demeure peu définie mais retenons que celle-ci existe pour que le conseil d’administration puisse adopter des directives et mettre en place les règles pour la gestion de son administration de la copropriété.

  • DÉFINITIONS
  1. L’acte constitutif de copropriété

L’acte constitutif de copropriété est à la copropriété ce que la Constitution est au Canada. Il contient les dispositions les plus importantes, les plus fondamentales auxquelles se soumettent les copropriétaires et, de la même façon que la Constitution canadienne est plus difficile à modifier qu’une loi ordinaire, l’acte constitutif l’est aussi, toute proportion gardée.

On y trouvera généralement une section relative à la définition de certains termes, une répartition de l’immeuble en parties privatives et parties communes (incluant les parties communes à usage restreint) comportant leur définition respective et leurs bornes, le patrimoine du syndicat, la destination de l’immeuble, des parties privatives et communes, les valeurs relatives des fractions[4], la quote-part des charges communes et le nombre de voix attachées à chaque fraction, le nom du syndicat.

Rappelons que la valeur relative de chacune des fractions détermine à la fois la contribution de chaque copropriétaire aux charges communes[5], sa quote-part des parties communes indivis dans la copropriété et le nombre de voix qui se rattache à sa fraction. Toutefois, les copropriétaires qui ont l’usage des parties communes à usage restreint contribuent seuls aux charges liées à l’entretien et aux réparations courantes de ces parties. Cependant, la déclaration peut aussi prévoir, pour les parties communes à usage restreint, une répartition différente de la contribution des copropriétaires aux charges relatives aux réparations majeures et au remplacement de ces parties.

L’acte constitutif de copropriété comprend aussi les pouvoirs et devoirs respectifs des organes du syndicat et prévoit toute autre convention relative à l’immeuble ou à ses parties privatives ou communes, dont celles que le promoteur juge utile d’y mettre, ainsi que les conditions d’exercice du droit de propriété dans les fractions. Depuis le 10 janvier 2020, en raison de la loi 16[6], il en va de même des clauses pénales applicables en cas de contravention à la déclaration de copropriété[7].

L’acte constitutif de copropriété contient également les dispositions relatives aux assurances, ainsi que, le cas échéant, les clauses de médiation ou d’arbitrage applicables entre le syndicat, ses administrateurs et copropriétaires (appelée aussi « clause compromissoire »).

L’acte de copropriété de l’immeuble ne peut être modifié que par l’assemblée des copropriétaires, mais en plus, la modification ne pourra se faire qu’au minimum par une décision prise par des copropriétaires représentant les trois quarts des voix des copropriétaires présents ou représentés lors d’une assemblée générale annuelle ou spéciale[8].

Dans le cas où la modification affecte ou requiert un changement à la destination de l’immeuble (par exemple bannir les chiens ou les chats), il faudra une décision prise à la majorité des trois quarts de tous les copropriétaires, représentant 90 % des voix de tous les copropriétaires[9].

La modification à l’acte constitutif de copropriété, une fois adoptée selon la majorité requise, devra être notariée et en minute[10] et présentée au Bureau de la publicité foncière pour ensuite être inscrite sous le numéro d’immatriculation des parties communes[11] afin d’être opposable aux tiers et plus particulièrement les futurs copropriétaires.

  • Le règlement d’immeuble

De manière générale, le terme « règlement » se définit comme une décision administrative qui pose une règle générale (par exemple, un décret ou un arrêté) ou, encore, comme un ensemble de règles ou de mesures qui président au fonctionnement d’un groupe, d’un organisme (par exemple, des statuts)[12] et auxquelles sont soumis les membres d’une société, d’un groupe, etc.[13]

Seconde partie de la déclaration de copropriété, le règlement d’immeuble contient, notamment, les règles relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien des parties privatives et communes.

Certains règlements, bien que restreignant le droit de propriété des copropriétaires, sont valides dès lors qu’ils sont justifiés par la destination de l’immeuble[14]. Par exemple, ceux qui imposent une durée minimale raisonnable à la location d’une fraction constituent une restriction à un des attributs du droit de copropriété (le droit de percevoir les fruits), mais qui se justifie par la destination « résidentielle » et non pas d’hôtellerie que le promoteur et/ou les copropriétaires ont voulu pour leur immeuble[15].

Ces règles sont aussi celles relatives à l’entretien des parties privatives (par exemple, remplacer le chauffe-eau selon une certaine périodicité) ou des parties communes (par exemple, le nettoyage des fenêtres accessibles).

Le règlement d’immeuble contient également les règles relatives au fonctionnement et à l’administration de la copropriété. Nous parlons ici des règles qui touchent à la composition du conseil d’administration (par exemple, le nombre d’administrateurs), le mode de nomination, de remplacement et de rémunération des administrateurs ainsi que les conditions de leur charge (par exemple, de savoir s’ils doivent ou non être copropriétaires pour être administrateur)[16].

Enfin, on retrouve généralement au règlement de l’immeuble ce qui concerne la contribution des copropriétaires aux charges communes, savoir la procédure de cotisation et de recouvrement des contributions aux charges communes. Vous pourriez donc aussi y voir des dispositions relatives aux modes de paiement (chèque, paiement préautorisé, transfert bancaire, etc.) de la contribution aux charges communes, ou encore les intérêts de retard.

Contrairement à la première partie de la déclaration de copropriété, le règlement d’immeuble peut être plus facilement modifié. Une décision prise à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés à une assemblée suffit[17]. Il n’est pas davantage requis de notarier en minute et de présenter les modifications du règlement d’immeuble au Registre de la publicité foncière. Elles doivent simplement, mais obligatoirement apparaître de manière expresse dans un procès-verbal de l’assemblée des copropriétaires ou une résolution écrite des copropriétaires, et il suffit qu’elles soient ensuite déposées au registre tenu par le syndicat[18].

Nous tenons toutefois à préciser qu’une décision prise par résolution écrite comme le prévoit l’article 1096 C.c.Q. doit être signée par toutes les personnes habiles à voter pour avoir la même valeur que si elle avait été adoptée lors d’une réunion[19].

  • Le règlement de gestion

Les règlements de gestion ne font pas partie de la déclaration de copropriété. Ils sont adoptés en marge de celle-ci par le conseil d’administration qui les met en vigueur. Ils doivent toutefois être ratifiés par les copropriétaires à l’assemblée qui suit[20] et être déposés au registre du syndicat.

Les règlements de gestion visent des objets particuliers ou dont l’intérêt n’est que passager[21]. Aussi, tous s’entendent toutefois pour dire que ces règlements ne peuvent édicter des règles relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien des parties privatives et communes, ou encore concernant le fonctionnement et l’administration de la copropriété[22]. C’est le règlement de l’immeuble qui contient ces règles et elles ne peuvent être adoptées que par l’assemblée des copropriétaires et non par le conseil d’administration. Il en est de même pour les règles visant la procédure de cotisation et de recouvrement des contributions aux charges communes[23].

Par conséquent, un règlement de gestion doit nécessairement avoir un caractère réversible compte tenu du fait qu’il doive être ratifié par l’assemblée des copropriétaires et qu’il ne doit jamais avoir pour objet ou effet d’imposer une restriction aux droits des copropriétaires[24]

À titre d’illustration, sont des règlements de gestion, le règlement déterminant les heures d’ouverture et de fermeture du bureau de l’administration, le règlement déterminant l’endroit où les bacs à déchets doivent être déposés par le syndicat. Il en est de même des règles que les administrateurs s’imposent. Par exemple, un règlement de gestion relatif au devoir de confidentialité que les administrateurs s’imposent.

Aussi, on peut s’interroger sur un règlement qui détermine les heures d’ouverture et de fermeture de la piscine ou de la salle de conditionnement physique. N’est-ce pas là une restriction au droit des copropriétaires d’utiliser ces parties communes ? Nous sommes d’opinion que cela relève du règlement d’immeuble et ne peut faire l’objet d’un simple règlement de gestion.

Quoiqu’il en soit, ces règlements de gestion sont donc adoptés par le conseil d’administration à la majorité des voix des administrateurs[25]

Contrairement à ce qui s’applique à l’assemblée des copropriétaires aux articles 1096 et 1097 C.c.Q., il ne s’agit pas de la majorité des administrateurs présents, mais bien de la majorité des voix de tous les administrateurs. En effet, un administrateur absent à une réunion est présumé ne pas avoir approuvé les décisions prises lors de cette réunion[26].

Cette règle relative à la majorité des voix des administrateurs n’est toutefois pas impérative et la déclaration de copropriété pourrait, à son règlement de l’immeuble, au titre du mode de fonctionnement du conseil d’administration, en disposer autrement et prévoir, par exemple, que le président du conseil d’administration a une voix prépondérante en cas de partage des voix (chose assez rare cependant); ou encore d’autres majorités prévues comme le nouvel article 1086.3 C.c.Q. le laisse comprendre[27].

EN CONCLUSION

Les principes de vie en copropriété s’inscrivent à l’acte constitutif de copropriété tandis que les modalités d’exercice de ces principes se retrouvent au règlement d’immeuble. Les règlements de gestion ne participent pas de ces principes et modalités. Ils sont davantage de « régie interne »

Fonction de l’importance des dispositions que chacun renferme, les majorités requises pour les adopter ou les modifier sont plus ou moins élevées, et la procédure pour les appliquer complexe.

La copropriété divise n’est pas une démocratie. Elle participe d’une « micro-société » où les mêmes principes de hiérarchie des normes s’appliquent comme celles des lois avec les adaptations nécessaires.


[1]   Art. 1052 C.c.Q.

[2]     Art. 1055 C.c.Q.

[3]   Art. 335 C.c.Q.

[4]     Art. 1041 C.c.Q.

[5]     Art. 1064 C.c.Q.

[6]   Loi visant principalement l’encadrement des inspections en bâtiment et de la copropriété divise, le remplacement de la dénomination de la Régie du logement et l’amélioration de ses règles de fonctionnement et modifiant la Loi sur la Société d’habitation du Québec et diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal.

[7]   Art. 1053 C.c.Q.

[8]   Art.1097 (2) C.c.Q.

[9]   Art.1098 (1) C.c.Q.

[10]   Art. 1059 C.c.Q.

[11] Art. 1060 C.c.Q.

[12] Dictionnaire « Le Robert ».

[13] Dictionnaire « Larousse ».

[14]   Art. 1056 C.c.Q.

[15]   Kilzi c. Syndicat des Co-propriétaires du 10 400 Boul. L’Acadie2001 CanLII 10061 (QC CA), 2001 CanLII 10061 (QC C.A.).

[16]   Art. 1084 C.c.Q.

[17] Art. 1096 C.c.Q.

[18]   Art. 1060 C.c.Q.

[19]   Art. 354 C.c.Q.

[20]   Art. 335 C.c.Q.

[21]   Christine Gagnon, op.cit., p.198.

[22]   Christine Gagnon, op.cit.

[23]   Yves Papineau, « Les copropriétaires et l’administration en copropriété divise », Service de la formation continue du Barreau du Québec, vol. 341, Développements récents en droit de la copropriété divise, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2011, p.65, 77-78.

[24]   Maxime Laflamme-Leblond, Les restrictions aux droits des copropriétaires et leurs limites, Service de la formation continue du Barreau du Québec, Développements récents en droit de la copropriété divise, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2018, P.187.

[25]   Art. 336 C.c.Q.

[26]   Art. 337 C.c.Q.

[27]   Christine Gagnon, La copropriété divise, 5e éd., 2020, Éditions Yvon Blais, p.644, 857.

Me Sébastien Fiset
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