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Le financement des travaux en copropriété divise

Il arrive, dans un immeuble détenu en copropriété di- vise, que les travaux doivent être financés en raison du manque de liquidités du syndicat de copropriété.

Le mode de financement et le régime décisionnel afférent varieront selon la nature des travaux eux- mêmes, ce qui nous amènera d’abord à définir le terme « travaux » avant de parler de leur financement.

La notion de « travaux » et ses déclinaisons

Bien que le terme « travaux » soit utilisé dans plusieurs articles du Code civil du Québec (1039, 1087, 1097, 2110, 2117, 2120, 2122, 2726 et 2728), il n’y est pas défini.

Le Petit Robert les définit comme suit :

«Suite d’entreprises, d’opérations exigeant une activité phy- sique suivie et l’emploi de moyens techniques. Les travaux des champs, l’agriculture. Les travaux ménagers. Gros travaux, pénibles et n’exigeant pas une habileté particulière. (…) »

Le dictionnaire québécois de la langue française les définit, quant à lui, comme :

« L’ensemble des opérations de construction, de réfection, de transformation, d’entretien ou de démolition de bâtiments, de terrains, de voies de communication, etc., qui exigent l’acti- vité physique d’une ou de plusieurs personnes et l’emploi de moyens particuliers. »

Cela dit, pour ce qui concerne les travaux relatifs aux parties communes, le Code civil du Québec (ci-après « CCQ ») en fait des catégories afin de les qualifier. Il s’agit des travaux :

  1. de conservation de l’immeuble (article 1039 CCQ) ;
  2. d’entretien de l’immeuble (articles 1039, 1064 et 1077 CCQ) ;
  3. de réparations courantes ou mineures (article 1064 CCQ) ;
  4. de réparations majeures (articles 1064 et 1071 CCQ) ;
  5. de remplacement des parties communes (articles 1064 et 1071 CCQ) ;
  6. de travaux de transformation, d’amélioration et d’agrandissement des parties communes (article 1097 CCQ).

La déclaration de copropriété définira habituellement ce qu’est une partie commune, une partie commune à usage restreint et une partie privative. De façon supplétive, le CCQ définit les parties privatives et les parties communes respectivement à ses articles 1042 et 1043.

L’article 1044 CCQ, à défaut de précision dans la déclaration de copropriété, établit par ailleurs une présomption à l’effet que sont parties communes :

« (…) le sol, les cours, balcons, parcs et jardins, les voies d’accès, les escaliers et ascenseurs, les passages et corridors, les locaux des services communs, de stationnement et d’entreposage, les caves, le gros œuvre des bâtiments, les équipements et les appareils communs, tels les systèmes centraux de chauffage et de climatisation et les canalisations, y compris celles qui traversent les parties privatives ».

Le plan cadastral, quant à lui, illustrera et définira des bornes entre les parties communes et les parties privatives (art. 3026 CCQ). En cas de discordance avec d’autres documents tels que la déclaration de copropriété, le plan cadastral est « présumé exact » quant aux limites, mesures et contenances qui y sont reprises (art. 3027 al.2 CCQ).

a) Les travaux de conservation

La conservation de l’immeuble paraît couvrir à la fois les travaux d’entretien, les réparations courantes, les réparations majeures et le remplacement des parties communes.

Le législateur semble également, par l’utilisation du mot « conservation », avoir voulu y inclure tout ce qui n’est pas spécifiquement visé autrement dans le CCQ et que nous aborderons par la suite.

b) Les travaux d’entretien

L’entretien se définit comme les « Soins, réparations, dépenses qu’exige le maintien en bon état. » (Le Petit Robert)

Il s’agit de dépenses récurrentes faisant partie du quotidien d’un syndicat de copropriété.

On peut notamment penser au nettoyage des équipements, accessoires et des espaces communs des bâtiments et terrains, au déneigement et à l’entretien paysager, etc.

Les charges reliées à ces travaux sont présentées au fonds d’opérations du budget prévisionnel.

c) Les réparations courantes ou mineures

Cette catégorie de travaux se confond souvent avec la précédente dans la mesure où l’entretien d’une partie commune de l’immeuble peut inclure ou déboucher sur des réparations mineures ou le remplacement de certains éléments ou composantes d’un équipement, d’un ouvrage ou d’une construction.

Ainsi donc, le remplacement des filtres du système de ventilation, les courroies des extracteurs en toiture, le remplacement d’une charnière de porte et le système d’ouverture d’une fenêtre qui servent à un usage commun s’avéreront généralement être des réparations courantes. Ces réparations mineures s’opposent aux réparations majeures dont nous parlerons un peu plus loin.

Tous les copropriétaires contribueront aux charges communes qui en découlent pour l’entretien et les réparations courantes ou mineures à proportion de la valeur relative de la fraction ou des fractions dont ils sont respectivement propriétaires (art. 1064 CCQ). Toutefois, lorsqu’il est question des parties communes à usage restreint, seuls les copropriétaires qui en ont l’usage contribueront aux charges qui en résultent.

À titre d’exemple, pensons aux balcons d’une tour en copropriété de plusieurs étages, lesquels servent souvent à l’usage d’un seul ou de certains copropriétaires. En ce cas, le copropriétaire qui a l’usage d’un tel balcon supportera seul les charges d’entretien et de réparations courantes afférentes.

Sauf disposition contraire à la déclaration de copropriété, il n’incombe toutefois pas à un copropriétaire qui a l’usage restreint d’une partie commune de procéder par lui-même aux travaux. Au contraire, sauf stipulation expresse à la déclaration de copropriété, conformément à l’intention du législateur qui se dégage notamment des termes des articles 1039, 1066 et 1077, il relèvera en principe de la responsabilité du syndicat de copropriété de procéder à tous les travaux relatifs à l’immeuble ou de retenir les services d’un professionnel du bâtiment adéquat pour y voir. Ceci fait du sens en ce que, que ce soient des parties communes ou des parties communes à usage restreint, elles sont la propriété de la collectivité des copropriétaires (art. 1043 CCQ). Cela va logiquement de soi que le syndicat de copropriété puisse aussi conserver les garanties des entrepreneurs avec qui il fait affaires.

d) Les réparations majeures

Aux termes de l’article 1152 CCQ sont des réparations majeures :

« Les réparations majeures sont celles qui portent sur une partie importante du bien et nécessitent une dépense exceptionnelle, comme celles relatives aux poutres et aux murs portants, au remplacement des ouvertures, aux murs de soutènement, aux systèmes de chauffage, d’électricité ou de plomberie ou aux systèmes électroniques et, à l’égard d’un meuble, aux pièces motrices ou à l’enveloppe du bien. »

L’article 900 CCQ précise que : « Sont immeubles les fonds de terre, les constructions et ouvrages à caractère permanent qui s’y trouvent et tout ce qui en fait partie intégrante ».

Le caractère « majeur » d’une réparation s’apprécie donc, à notre avis, en regard de l’ampleur des travaux effectués, à l’ouvrage ou la construction qui en est l’objet

À titre d’exemple, des travaux qui consisteraient à réparer, sans la remplacer, une grande surface de la toiture d’un immeuble constitueraient, selon nous, des réparations majeures compte tenu du fait qu’ils portent sur une partie importante du bien, soit la toiture (ouvrage). Il en irait, par analogie, de même de la réparation du moteur d’un échangeur d’air, laquelle saurait être considérée comme une dépense exceptionnelle compte tenu du caractère de la réparation en regard de cet équipement.

e) Le remplacement des parties communes

Il s’agit de travaux devenus nécessaires et obligatoires compte tenu de l’âge et de l’usure ou de la durée de vie de chacun des éléments constituant les parties communes.

Le remplacement étant lié au droit de propriété des copropriétaires dans les parties communes, sauf disposition contraire expresse de la déclaration de copropriété (art. 1064 al.2 CCQ), les copropriétaires doivent y contribuer à proportion de la valeur relative de leur fraction, indépendamment du fait qu’ils utilisent ou non ces parties communes. Cela s’applique donc autant aux parties communes qu’aux parties communes à usage restreint (art. 1043 al.2 CCQ).

f ) Les travaux de tranformation, d’amélioration et d’agrandissement

Cette dernière catégorie de travaux est spécifiquement visée à l’article 1097 CCQ.

La jurisprudence, au cours des années, est venue donner certaines définitions de ce que sont les travaux de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration.

La Cour Supérieure a ainsi défini :

« Transformation

Définition

Travaux de construction qui changent les caractéristiques physiques d’un bâtiment, soit une partie de la charpente, l’outillage mécanique ou l’emplacement des ouvertures de la construction existante, mais qui n’en augmentent pas l’aire des planchers.

Amélioration

Définition

Construction ou utilité publique ou tout autre installation ou changement matériel fait à une propriété en vue d’en accroître l’utilité ou la beauté. »

Beaucoup de jurisprudence existe à ce sujet et, comme le soulignait la même Cour, il n’est pas toujours possible de faire la distinction entre « améliorations » et « réparations ». Il existe toutefois des pistes de solution. L’une d’elles trouve sa source dans le fait que le terme « transformation » est adjoint, à l’article 1097 CCQ, aux mots « agrandissement et amélioration », ce qui pourrait vouloir dire que « le législateur n’a rien voulu omettre de ce qui touchait la forme physique de l’immeuble au-delà de l’entretien.

Une autre interprétation consisterait à considérer que ces travaux ne sont, a priori, pas nécessaires, ce qui les distinguerait des autres catégories.

Pour ces raisons, le législateur a voulu qu’ils fassent l’objet d’une approbation à la majorité des copropriétaires représentant 75 % des voix des copropriétaires présents ou représentés à l’assemblée (art. 1097 CCQ).

Les sources de financement des travaux

Les contributions aux charges communes des copropriétaires constituent la source principale de financement des travaux (art. 1064 CCQ).

Cette source contribue à certains fonds, notamment :

• le fonds d’opérations ;

• le fonds de prévoyance ;

• le fonds d’auto-assurances ;

• des fonds dédiés à une ou certaines dépenses spécifiques.

Les travaux d’entretien et de réparations courantes sont financés par le budget prévisionnel annuel du fonds d’opérations.

Pour leur part, les réparations majeures et le remplacement des parties communes le sont par les contributions du budget prévisionnel au fonds de prévoyance et les sommes qui y sont accumulées.

Pour ce qui concerne les travaux de transformation, d’amélioration et d’agrandissement, ceux-ci seront généralement financés par une contribution spéciale dont la répartition sera soit générale soit spécifique selon le bénéfice ou l’usage à un ou à certains copropriétaires (art. 1097 CCQ).

Quant à lui, le fonds d’auto-assurances, lors de son entrée en vigueur le 15 avril 2022, sera financé par des contributions spéciales dédiées à la fois à sa création et son maintien.

Enfin, les fonds dédiés à des dépenses spécifiques procèderont généralement par le biais d’appels de contributions spéciales aux charges communes. On peut penser, par exemple, à la constitution d’un fonds de contingence, d’un fonds de trésorerie ou d’un fonds qui sera dédié à une dépense extraordinaire spécifique.

Outre ces sources usuelles de financement, un syndicat de copropriété peut notamment contracter un prêt d’une institution financière.

Ce mode de financement permet au syndicat de faire face à des dépenses relativement importantes et pour lesquelles il n’aurait peut-être pas à court terme ou de façon immédiate, les liquidités disponibles. En ce cas, les copropriétaires contribueront sur une période plus longue que s’il s’agissait d’une contribution spéciale et par conséquent, à concurrence d’un montant périodique réduit.

Un tel emprunt comporte cependant son lot d’inconvénients. Outre le fait de devoir également payer des intérêts sur la somme empruntée, les institutions demandent généralement au syndicat de fournir une garantie.

Cette garantie est généralement de deux (2) ordres :

a) L’hypothèque mobilière

L’hypothèque mobilière, comme son nom l’indique, s’exerce et se grève à un bien mobilier.

En copropriété, cette garantie se rattache généralement aux biens meubles incorporels que constituent les charges communes des copropriétaires. En cas d’inexécution, l’institution financière disposera de la faculté de percevoir, par exemple, la contribution des copropriétaires en lieu et place du syndicat.

La “loi 16”6 adoptée le 5 décembre 2019 est venue modifier le CCQ au chapitre de la “copropriété divise” de manière à encadrer la constitution de telles garanties. En effet, depuis le 10 janvier 2020, l’hypothèque mobilière est soumise aux dispositions de l’article 1076.1 CCQ qui se lit comme suit : “Le syndicat ne peut consentir une hypothèque mobilière qu’après avoir été autorisé par l’assemblée des copropriétaires”.

Le conseil d’administration doit désormais obligatoirement être autorisé par l’assemblée des copropriétaires avant toute démarche en vue d’octroyer une hypothèque mobilière à l’institution financière prêteuse et, par voie de conséquence, de pouvoir obtenir un emprunt garanti par une telle hypothèque.

En principe, de façon générale, la majorité requise pour l’octroi de cette autorisation sera celle prévue à l’article 1096 CCQ (majorité absolue).

Par exception, l’autorisation préalable à la constitution d’une hypothèque mobilière garantissant un emprunt destiné à couvrir des dépenses générées par des travaux de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration des parties communes devra être obtenue au terme d’une majorité renforcée conformément à l’article 1097 CCQ. En effet, même si nous sommes d’opinion que l’article 1097 (2) CCQ, tel qu’il a été récemment modifié, laisse songeur dans sa rédaction, il ne peut s’interpréter autrement.

b) L’hypothèque immobilière

Le syndicat de copropriété n’est pas propriétaire des parties communes de l’immeuble, c’est la collectivité des copropriétaires (art. 1043 CCQ).

Cependant, il est tout à fait possible que le syndicat soit propriétaire d’un bien immeuble. On peut, par exemple, penser à un terrain adjacent à la copropriété, ou plus souvent une partie privative qui, parfois, a été cédée ou vendue par le promoteur, partie qui est cadastrée et définie comme privative à l’état descriptif des fractions à la déclaration de copropriété. Si cela est le cas, ce bien peut être grevé d’une hypothèque immobilière en vue de garantir un prêt consenti par une institution financière.

En revanche, nous sommes d’opinion qu’il s’agit minimalement, ultimement, d’un acte s’apparentant à une “aliénation” immobilière puisqu’une telle garantie peut déboucher, en cas de défaut du syndicat, sur la vente forcée du bien immobilier sur lequel l’hypothèque est constituée.

Il faudra donc obtenir à tout le moins un vote favorable de l’assemblée des copropriétaires à la majorité qualifiée (75 % des voix des copropriétaires présents ou représentés) tel que précisé à l’article 1097 (1) CCQ.

Bien que ces outils de financement soient intéressants, un syndicat qui, dès le départ, établit une bonne planification financière devrait, le moment venu, avoir les sommes nécessaires dans ses fonds de manière à ne pas devoir recourir à ces outils.

Dans tous les cas de figure des garanties exposées ci-avant (hypothèque mobilière ou immobilière), le conseil d’administration devra sous-peser le délai du processus d’étude, d’autorisation et de mise en place de semblables garanties vis-à-vis le délai plus ou moins court de l’échéance d’effectuer la dépense à financer!

Me Sébastien Fiset
Me Sébastien Fiset
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