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Les budgets d’un syndicat de copropriété

Écrit par Me Sébastien Fiset , LL.B., B.A.A.
Mercredi, 24 Novembre 2010 18:37

LES BUDGETS D’UN SYNDICAT

Contacter l’auteur :  s.fiset@fisetlegal.com

Il est d’une des missions du syndicat de copropriété, par son conseil d’administration, de déterminer les coûts inhérents à la conservation, l’entretien et l’exploitation de l’immeuble ainsi qu’au fonds de prévoyance (art. 1039, 1071 et 1072 C.c.Q.) et de fixer les cotisations pour les charges communes à percevoir de chacun des copropriétaires.  Le budget prévisionnelest l’outil de planification du syndicat pour mener à bien cette mission.

Dans l’établissement de son budget, le syndicat devra prendre en compte les sommes requises pour la constitution de sonfonds de prévoyance.

En effet, au terme de l’article 1071 C.c.Q. :

«Le syndicat constitue, en fonction du coût estimatif des réparations majeures et du coût de remplacement des parties communes, un fonds de prévoyance, liquide et disponible à court terme, affecté uniquement à ces réparations et remplacements. Ce fonds est la propriété du syndicat. »

Le fonds de prévoyance ne doit donc pas être utilisé pour payer des dépenses urgentes, des imprévus, ses avocats, un architecte ou autre professionnel du bâtiment ni pour des travaux importants mais qui relèverait de l’entretien de l’immeuble ou constitueraient des réparations mineures apportées au bâtiment.  Le fonds de prévoyance ne doit servir que pour les «réparations majeures» et le «remplacement des parties communes».

De plus, le 5% à imputer au fonds de prévoyance aux termes de l’article 1072 du code civil du Québec (ci-dessous) est un minimum. Si des sommes supplémentaires sont requises pour les réparations majeures ou le remplacement des parties communes, c’est cette somme qui prévaudra.

I. PROCESSUS

Annuellement, après consultation de l’assemblée des copropriétaires, le conseil d’administration fixe les montants nécessaires pour les charges communes et le fonds de prévoyance.[1]

Attention : « Consultation » de l’assemblée des copropriétaires ne signifie pas « approbation ».

En effet, bien qu’antérieurement à l’entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994, il y était généralement stipulé que les cotisations aux charges communes et au fonds de prévoyance devaient être soumises par le conseil d’administration à l’assemblée des copropriétaires pour préalable approbation, nous sommes d’avis qu’en raison de la mission expressément confiée au conseil d’administration par la création d’une personne morale (i.e. les syndicats de copropriété) par le législateur, il en est différemment depuis.

En effet, aux termes de l’article 1072 C.c.Q :

« Annuellement, le conseil d’administration fixe, après consultation de l’assemblée des copropriétaires, la contribution de ceux-ci aux charges communes, après avoir déterminé les sommes nécessaires pour faire face aux charges découlant de la copropriété et de l’exploitation de l’immeuble et les sommes à verser au fonds de prévoyance.

La contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance est d’au moins 5% de leur contribution aux charges communes. Il peut être tenu compte, pour l’établir, des droits respectifs des copropriétaires sur les parties communes à usage restreint.

Le syndicat avise, sans délai, chaque copropriétaire du montant de ses contributions et de la date où elles sont exigibles. »

[Les caractères gras et soulignés sont nôtres]

Les articles 1064 et 1072 C.c.Q. prévoient cependant que:

« 1064. Chacun des copropriétaires contribue, en proportion de la valeur relative de sa fraction, aux charges résultant de la copropriété et de l’exploitation de l’immeuble, ainsi qu’au fonds de prévoyance constitué en application de l’article 1071. Toutefois, les copropriétaires qui utilisent les parties communes à usage restreint contribuent seuls aux charges qui en résultent. »

« 1072. Annuellement, le conseil d’administration fixe, après consultation de l’assemblée des copropriétaires, la contribution de ceux-ci aux charges communes, après avoir déterminé les sommes nécessaires pour faire face aux charges découlant de la copropriété et de l’exploitation de l’immeuble et les sommes à verser au fonds de prévoyance.

La contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance est d’au moins 5% de leur contribution aux charges communes. Il peut être tenu compte, pour l’établir, des droits respectifs des copropriétaires sur les parties communes à usage restreint.

Le syndicat avise, sans délai, chaque copropriétaire du montant de ses contributions et de la date où elles sont exigibles. »

[Les soulignés sont nôtre]

Le budget fera donc état des recettes et dépenses prévisibles reliées à la copropriété en tenant compte, si requis, des charges communes à assurer par les copropriétaires ayant des parties communes à leur usage restreint.

Afin d’attester de la consultation de l’assemblée des copropriétaires, un « vote consultatif » devrait être effectué et consigné au procès-verbal de l’assemblée qui sera déposé au registre du syndicat.  À défaut de procéder par vote, ce que nous privilégions fortement pour éviter toute ambigüité, il pourrait être rapporté au procès-verbal les détails des discussions entourant la consultation ayant porté sur ledit budget.

L’assemblée des copropriétaires apporte son droit de regard, c’est la loi, mais il n’en reste pas moins que c’est leconseil d’administration qui prend les décisions finales, gardant en vue que son devoir est de s’assurer de la conservation de l’immeuble (art. 1039 C.c.Q).

En effet, le budget sera définitivement fixé lors d’une réunion du conseil d’administration subséquente, à la majorité des voix des administrateurs (art. 336 C.c.Q.) ou sous la forme de résolutions écrites unanimes du conseil d’administration qui seront consignées au registre du syndicat (art. 354 C.c.Q.).

Les cotisations aux charges communes sont fixées proportionnellement à la valeur relative de chaque fraction composant la copropriété (art. 1064 C.c.Q.).  Cette « quote-part » est généralement représentée et décrite à l’acte constitutif de la déclaration de copropriété sous forme de tableau.[2]

Exception :

Bien que l’assemblée n’ait pas de pouvoir décisionnel sur les budgets du syndicat, son accord est par ailleurs notamment nécessaire lors de transactions immobilières, de prises de certaines décisions concernant des travaux de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration des parties communes de l’immeuble ou quant à toute modification de la destination de l’immeuble.

L’article 1097 C.c.Q. stipule en effet que :

« Sont prises à la majorité des copropriétaires, représentant les 3/4 des voix de tous les copropriétaires, les décisions qui concernent:

1° Les actes d’acquisition ou d’aliénation immobilière par le syndicat;

2° Les travaux de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration des parties communes, ainsi que la répartition du coût de ces travaux;

3° La construction de bâtiments pour créer de nouvelles fractions;

4° La modification de l’acte constitutif de copropriété ou de l’état descriptif des fractions. »

[Les caractères gras et soulignés sont nôtres]

L’article 1098 C.c.Q. stipule quant à lui :

« Sont prises à la majorité des 3/4 des copropriétaires, représentant 90% des voix de tous les copropriétaires, les décisions:

1° Qui changent la destination de l’immeuble;

2° Qui autorisent l’aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au maintien de la destination de l’immeuble;

3° Qui modifient la déclaration de copropriété pour permettre la détention d’une fraction par plusieurs personnes ayant un droit de jouissance périodique et successif. »

II. RÈGLES DE FIXATION DES VALEURS RELATIVES DES FRACTIONS DE COPROPRIÉTÉ :

Aux termes de l’article 1041 C.c.Q. :

« La valeur relative de chaque fraction de la copropriété divise est établie par rapport à la valeur de l’ensemble des fractions, en fonction de la nature, de la destination, des dimensions et de la situation de la partie privative de chaque fraction, mais sans tenir compte de son utilisation.

Elle est déterminée dans la déclaration. »

[Les soulignés sont nôtres]

Dans l’établissement des valeurs relatives, cinq (5) critères de détermination servent donc à fixer comment a été établi la quote-part de chaque copropriétaire dans le paiement de ses charges communes, soit :

–          La valeur de l’ensemble des fractions;

–          La destination des fractions (permissions, restrictions et interdictions) :

    • Résidentielle;
    • Commerciale;
    • Industrielle;
    • Bureau;
    • etc.

–          La nature de la fraction;

–          Les dimensions de la partie privative;

–          La situation de la partie privative (géographique, hauteur dans l’immeuble, vue, etc.).

Exceptions :

Il n’est pas tenu compte de l’utilisation de la partie privative.  Bien que l’on considère la destination, il ne doit pas cependant être tenu en compte, entre parties de même destination, le type d’utilisation commerciale (ex : fleuriste, dépanneur, restaurant, épicerie, etc.).

De même, certaines copropriétés antérieures à 1994 ont prévu aux termes de leur déclaration de copropriété que la contribution aux charges communes de chaque copropriétaire se calculerait en fonction des dimensions de leur unité d’habitation.  Malgré l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, une telle stipulation demeure.[3]

III. PERCEPTION :

Il est généralement d’usage de percevoir les cotisations aux charges communes sur une base mensuelle.  Par ailleurs, ce n’est pas une obligation.  La perception pourrait l’être sur une base mensuelle, trimestrielle, voir même sur une base ponctuelle par une cotisation spéciale.

Aux termes de l’article 1072 du Code civil du Québec, c’est le conseil d’administration qui avisera, sans délai, chaque copropriétaire du montant de ses contributions et de la date où elles sont exigibles.

Il faut toutefois s’en reporter à sa déclaration de copropriété et au règlement de l’immeuble qui peuvent prévoir d’autres modalités.

Le syndicat se doit d’être diligent en ce qui a trait à la perception des charges communes.  Celles-ci garantissent la viabilité d’une gestion efficiente de l’immeuble.  Nous vous invitons à lire notre texte sur les Recours pour percevoir les charges communes.

IV. CONTENU DU BUDGET :

Les montants devant être présentés aux copropriétaires lors de l’assemblée des copropriétaires le seront pour l’année courante (budget d’opération).

Cependant, tant pour que les copropriétaires puissent budgéter les dépenses à venir que pour les fins servant à grever d’une hypothèque légale l’unité d’un copropriétaire négligeant, il est fortement conseillé de prévoir le budget sur une base triennale (budget prévisionnel sur trois (3) années), soit également pour les deux (2) années subséquentes.

Voici un aperçu des postes de dépenses se retrouvant généralement au budget d’un syndicat :

–          Assurances

–          Électricité/Chauffage/Climatisation

–          Entretien et réparations

–          Ascenseur(s)

–          Alarme/incendie

–          Conciergerie/surveillance

–          Frais de bureau/frais divers

–          Frais et honoraires professionnels

–          Frais de gestion

–          Salaires des administrateurs

–          Frais d’administration

–          Nettoyage des vitres

–          Déneigement

–          Espace vert et entretien paysager

–          Montant pour le fond de prévoyance

–          Équipements

Attention : Il est important d’être réaliste lors de la détermination des budgets. Une cotisation trop basse peut avoir pour effet de se retrouver devant une augmentation massive l’année suivante ou dans l’obligation d’effectuer un appel de charges pour une cotisation spéciale en cours d’année pour faire face aux frais non-couverts et factures imprévues.

L’information fournie sur cette page est de nature générale et ne saurait pallier le besoin d’obtenir des conseils juridiques propres à une situation particulière.


[1] Art. 1072 C.c.Q.

[2] Article 1053 C.c.Q. :

« L’acte constitutif de copropriété définit la destination de l’immeuble, des parties privatives et des parties communes.

Il détermine également la valeur relative de chaque fraction et indique la méthode suivie pour l’établir, la quote-part des charges et le nombre de voix attachées à chaque fraction et prévoit toute autre convention relative à l’immeuble ou à ses parties privatives ou communes. Il précise aussi les pouvoirs et devoirs respectifs du conseil d’administration du syndicat et de l’assemblée des copropriétaires.

[3] L’article 53 de la Loi sur l’application de la réforme du Code civil :

« La copropriété divise d’un immeuble établie avant le 1er janvier 1994 est régie par la loi nouvelle.

La stipulation de la déclaration de copropriété qui pose la règle de l’unanimité pour les décisions visant à changer la destination de l’immeuble est toutefois maintenue, malgré l’article 1101 du nouveau code.

Est également maintenue, malgré l’article 1064 du nouveau code, la stipulation de la déclaration de copropriété qui fixe la contribution aux charges résultant de la copropriété et de l’exploitation de l’immeuble suivant les dimensions de la partie privative de chaque fraction. »

Mise à jour le Samedi, 16 Août 2014 17:18

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