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Les malfaçons – Droit immobilier

Mercredi, 08 Août 2012 15:10

Qu’est-ce qu’une malfaçon ?

 

Le terme malfaçon apparaît dans le Code civil du Québec dans le cadre des droits et obligations des parties aux contrats d’entreprise ou de service. Plus spécifiquement, il est fait mention aux malfaçons dans les « dispositions particulières aux ouvrages » soit aux articles 2111, 2113 et 2120 du Code civil du Québec.

L’article 2120 du Code civil du Québec prévoit :

« L’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur pour les travaux qu’ils ont dirigés ou surveillés et, le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception, ou découvertes dans l’année qui suit la réception. »

Le terme « malfaçon » est propre aux contrats de service et d’entreprise. C’est donc exclusivement dans le cadre de ce type de contrats que se rencontre la notion de malfaçons, c’est-à-dire dans le cadre d’un contrat entre deux personnes (c.-à-d. le prestataire de services et le client) en vue de réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou de fournir un service moyennant une contrepartie monétaire.

1. Définition d’une malfaçon

Le terme malfaçon n’étant pas spécifiquement défini dans le Code civil du Québec ou d’autres lois connexes, il s’agit de se référer aux dictionnaires afin d’en extraire l’usage commun.

Le Dictionnaire de Droit Québécois et Canadien[1] qualifie la malfaçon comme une « défectuosité dans un ouvrage due au non-respect par l’ouvrier des règles de l’art ou des normes en vigueur ». Afin d’établir l’existence d’une malfaçon, il faudra donc comparer la qualité de l’ouvrage avec les normes en vigueur et les règles de l’art.

Dans les faits, il s’agit de comparer l’état de l’ouvrage avec :

– Les conditions contractuelles telles que déterminées par les parties ;

– À défaut de conditions contractuelles spécifiques, il faudra se fier aux règles de l’art[2] et normes en vigueur pertinentes.

Il est important de souligner que le recours créé par l’article 2120 du Code civil du Québec ne requiert par une gravité spécifique, mais la seule preuve d’une défectuosité. La malfaçon n’a donc pas à causer un risque de perte de l’immeuble ou même d’en diminuer l’utilité ; le client n’a pas non plus à prouver qu’il n’aurait pas donné un si haut prix s’il avait connu l’existence de la malfaçon afin d’obtenir un recours.

Ainsi, le client qui a contracté afin de faire installer des tuyaux d’une qualité et d’une marque spécifique dans sa demeure, et qui obtiendrait des tuyaux autres (quoique de qualité équivalente) que ceux réclamés, pourra intenter un recours pour malfaçons.

Aussi, contrairement aux vices cachés qui doivent avoir préexisté la vente, la malfaçon n’a pas à avoir préexisté la fin des travaux pour offrir un recours. Il suffit en effet qu’elle ait été découverte dans l’année de la livraison de l’ouvrage et ce, que la malfaçon ait préexisté la fin des travaux ou non.

2. Qui peut se prévaloir de la garantie légale contre les malfaçons ?

Si l’article 2120 du Code civil du Québec n’indique pas spécifiquement à qui profite la garantie légale contre les malfaçons, il faut se rappeler que cet article s’insère dans le chapitre sur les contrats d’entreprise et de service passés entre un prestataire de service et un client[3].

C’est donc le client qui peut se prévaloir de la garantie légale contre les malfaçons. Ce client peut être la personne qui a commandé l’ouvrage auprès du constructeur, il peut aussi s’agir de l’acheteur qui achète auprès d’un constructeur qui est aussi promoteur[4] et qui aurait ainsi entrepris préalablement la construction pour éventuellement y trouver un acheteur.

Dans ce dernier cas de figure, les stipulations relatives à la vente pourront donc s’appliquer parallèlement à celles sur le contrat d’entreprise ou de service. Cela signifie que l’acheteur d’une construction auprès de l’entrepreneur pourra choisir, alternativement ou cumulativement, le(s) recours pertinent(s).

Quid de l’acquéreur subséquent de l’ouvrage? Dans ce cas de figure, un premier acquéreur achète l’ouvrage d’un entrepreneur puis le revend à un second acheteur (c.-à-d. l’acheteur subséquent). Bien que l’acquéreur subséquent n’ait pas contracté directement avec le promoteur, la définition de contrat d’entreprise ou de service (c.-à-d. le contrat entre un client et un prestataire de service) ne s’applique plus. Or, l’acheteur subséquent ne perd pas son recours contre l’entrepreneur pour autant. La responsabilité pour les malfaçons est considérée comme un accessoire à l’immeuble et se transmet dont à l’acquéreur subséquent. Ce dernier pourra donc exercer son recours contre le promoteur dans les mêmes conditions que l’acheteur initial. Si le vice était caché, l’acheteur subséquent pourrait même bénéficier d’un recours additionnel à l’encontre de l’acheteur initial. Il bénéficierait donc de deux recours aux fondements, aux éléments de preuves et aux délais différents.

3. Qui est tenu à la garantie contre les malfaçons ?

L’article 2120 du Code civil du Québec énonce clairement que ces professionnels pourront être tenus de garantir l’ouvrage contre les malfaçons pendant un an à partir de la réception de l’ouvrage. Il faut distinguer ce délai d’un an avec les délais de prescription de 3 ans avant l’extinction du droit d’intenter un recours.

Le client (ou son acheteur subséquent) a donc un an, depuis la réception de l’ouvrage, pour découvrir les malfaçons. À partir du jour de la découverte, il possède un délai de 3 ans afin de faire valoir son droit.

Exemple 1 : Découverte de la malfaçon 6 mois après réception de l’ouvrage. Le délai total pour intenter le recours en justice est donc de 3 ans et 6 mois depuis réception de l’ouvrage, ou de 3 ans depuis la découverte de la malfaçon.

Exemple 2 : Vente de l’immeuble à l’acheteur subséquent 3 mois après réception de l’ouvrage. Découverte de la malfaçon 7 mois après réception de l’ouvrage. Le délai total pour intenter le recours en justice est donc de 3 ans et 7 mois, ou de 3 ans depuis la découverte de la malfaçon.

Le fait qu’il y ait eu une vente ne change rien. L’acheteur subséquent profite des mêmes conditions que son vendeur.

4. L’entrepreneur, les professionnels et le sous-entrepreneur peuvent-ils s’exonérer de la garantie ?

L’article 2120 du Code civil du Québec est reconnu comme n’étant pas une disposition d’ordre public[5]. Les parties peuvent donc s’y soustraire.

Toutefois, si les parties ne s’y sont pas soustraites, cette disposition crée une obligation de garantie (et non une obligation de moyens) forçant ces intervenants à fournir un résultat précis à leur client. Ils ne pourront pas invoquer la force majeure afin de s’exonérer de leur obligation[6].

L’information fournie sur cette page est de nature générale et ne saurait pallier le besoin d’obtenir des conseils juridiques propres à une situation particulière.


[1] Hubert REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien, 2e édition, Montréal, Wilson & Lafleur, 2001

[3] Article 2098 du Code civil du Québec

[4] Article 2124 du Code civil du Québec

[5] Massif inc. (Le) c. Clinique d’architecture de Québec inc., 2009 QCCA 1178

[6] D’Aoust c. Lanthier, (C.Q., 2005-05-02) SOQUIJ AZ-50311510

 

Mise à jour le Vendredi, 15 Août 2014 15:53

Me Sébastien Fiset
Me Sébastien Fiset
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