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Les sinistres en copropriété (3ème partie)

Par Me Gérald Denoncin

Dans les éditions du printemps et de l’été 2023, nous avons présenté les droits, obligations et limitations d’un Syndicat lors d’un sinistre, ainsi que sa position relativement aux locataires dans le même contexte. Nous avons également discuté de la nature délicate et compliquée de l’exercice procédural de recours impliquant à la fois un locataire et un copropriétaire en cette circonstance.

Dans cet article, nous évoquons certaines clauses qui peuvent se retrouver dans une déclaration de copropriété, telles que les clauses compromissoires et les clauses de responsabilité solidaire du copropriétaire et son locataire.

PRINCIPE DE BASE

Bien que le locateur soit tenu, avant la conclusion du bail, de remettre au locataire, le cas échéant, un exemplaire du règlement de l’immeuble portant sur les règles relatives à la jouissance, à l’usage et à l’entretien du logement et des lieux d’usage commun[1], le locataire n’est pas, de ce fait, devenu partie à la déclaration de copropriété. Il n’y est lié que dans une certaine mesure.

La déclaration de copropriété est en effet un contrat auquel ont adhéré librement les acheteurs/copropriétaires, renonçant ainsi à l’exercice de certaines libertés individuelles en faveur des intérêts de la collectivité. Cette déclaration a des effets juridiques à l’égard de tous les acquéreurs successifs[2]. Le locataire n’est, quant à lui, pas un acquéreur. Il est la personne qui par l’effet d’un contrat appelé un bail (ou louage) se voit procurer, moyennant le paiement d’un loyer au locateur — en l’espèce un copropriétaire — la jouissance d’un bien immeuble (ou meuble) pendant un certain temps[3].

La déclaration de copropriété lie donc les copropriétaires, leurs ayants cause et les personnes qui l’ont signée et produit ses effets envers eux, à compter de son inscription[4]. Selon certains auteurs, elle ne lie pas le locataire, à la seule exception du règlement de l’immeuble et ses modifications à partir du moment où il en reçoit copie[5]. Nous sommes toutefois d’opinion que la publication de la déclaration rendant celle-ci opposable aux tiers[6], elle lie le locataire dans son entièreté. Il serait en effet inconcevable que, par exemple, un article de l’acte constitutif interdisant les animaux dans l’immeuble ne soit pas opposable aux locataires au motif que seul le règlement s’applique à ceux-ci. Ce débat n’est toutefois pas l’objet du présent article et sera, le cas échéant, discuté lors d’une prochaine parution

À tout évènement, la nature des rapports juridiques entre le syndicat et un locataire est donc extracontractuelle, contrairement à celle qu’a le syndicat avec un copropriétaire. 

LES CLAUSES DE LA DÉCLARATION DE COPROPRIÉTÉ

  1. Les clauses compromissoires

Les déclarations de copropriété les plus récentes comprennent souvent une clause compromissoire qui prévoit qu’en cas de différend ou de désaccord relatif à la déclaration de copropriété ou découlant de son interprétation ou de son application, à défaut de règlement par voie de médiation, le différend ou désaccord devra être réglé par voie d’arbitrage. Cette clause compromissoire lie les parties au contrat d’adhésion qu’est la déclaration de copropriété.

Rappelons que l’arbitrage est le processus au terme duquel, les parties nomment soit de commun accord, soit qu’elles aient demandé à un tiers de le désigner, un arbitre pour trancher leur différend conformément aux règles de droit et, s’il y a lieu, de déterminer les dommages‑intérêts[7],

Le locataire n’étant pas partie à la déclaration de copropriété, la clause compromissoire ne lui est pas applicable[8]. Le syndicat ne pourrait pas se prévaloir de l’application d’une telle clause dans le cadre d’un litige l’opposant au locataire. Plus encore, dès le moment où il existe un litige ou un appel en garantie entre le locataire et le locateur, la compétence exclusive du Tribunal administratif du logement doit prévaloir. En pareil cas, le litige entre le syndicat et le copropriétaire locateur se règle en vertu de la clause compromissoire, tandis que le litige entre le copropriétaire et son locataire sera renvoyé devant le Tribunal administratif du logement.

C’est ainsi que la Cour Supérieure du Québec rejette la demande du syndicat de renvoyer la cause devant un arbitre conformément à la déclaration de copropriété, dans un litige où le copropriétaire et son locataire lui soumettent la légalité d’un règlement interdisant de fumer du cannabis adopté par le syndicat[9].

Pour des motifs auxquels, avec respect, nous n’adhérons pas, la Cour estime que la clause compromissoire prévue à la déclaration de copropriété vise à régler tout différend ou désaccord relatif à son application ou interprétation. Or, selon la Cour, le règlement de l’immeuble ne fait pas partie de ladite déclaration de copropriété et par voie de conséquence, le règlement interdisant de fumer du cannabis. La clause compromissoire ne peut donc trouver application. La Cour ajoute toutefois que, si la clause compromissoire avait trouvé application, le propriétaire partie au contrat y aurait été soumis. Quant au locataire, étant donné qu’il n’est pas partie au contrat (…) le Tribunal aurait été enclin à rejeter la demande.

Il faut donc retenir qu’une clause compromissoire dans la déclaration de copropriété ne s’applique pas au locataire. Elle doit s’appliquer aux parties au contrat et uniquement à celles‑ci en raison du principe prévalant de l’autonomie de la volonté des parties, comme l’a d’ailleurs rappelé la Cour Suprême dans l’arrêt GreCon Dimter inc. c. J.R. Normand inc.[10] à propos d’une clause d’élection de for en droit international privé.

Ceci nous amène à réitérer ce que nous mentionnions déjà dans l’édition de l’été 2023, savoir qu’une telle situation peut mener à des décisions contradictoires par deux instances distinctes et requiert de légiférer.

  • La clause de responsabilité solidaire

Bon nombre de déclarations de copropriété contiennent une clause aux termes de laquelle, le copropriétaire est solidairement responsable du préjudice causé au syndicat ou à un autre copropriétaire par la faute ou la négligence de son locataire.

Aux termes de la Loi, la solidarité entre les débiteurs ne se présume pas. Elle n’existe que lorsqu’elle est expressément stipulée par les parties ou prévue par la loi[11]. En dehors d’un rapport contractuel et d’une stipulation expresse à cet effet, l’obligation de réparer le préjudice causé à autrui par la faute de deux personnes ou plus est solidaire, lorsque cette obligation est extracontractuelle[12]. Or comme nous l’avons déjà évoqué, le lien juridique entre un syndicat et son copropriétaire est contractuel.

Avec respect pour l’opinion contraire, nous croyons que la clause de responsabilité solidaire du copropriétaire et de son locataire bilatérale et en l’absence de toute faute du locateur n’est plus valide depuis le 13 décembre 2018. Une telle clause visant à engager la responsabilité d’un copropriétaire vis-à-vis du syndicat lorsque ce dernier subit un préjudice en raison de la faute de son locataire, est inconciliable avec les termes l’article 1074.2 CCQ. lequel est d’ordre public. Il peut difficilement être envisagé que la responsabilité dudit copropriétaire soit engagée sans faute par le seul effet de cette clause alors que la Loi exige que la preuve soit faite par le syndicat d’une faute dans le chef du copropriétaire pour recouvrer les sommes engagées pour le paiement de franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels il a un intérêt assurable. 

Cette clause est d’autant moins envisageable que la solidarité permet au créancier de réclamer la totalité de son préjudice au débiteur solidaire de son choix. La possibilité d’un syndicat de réclamer la totalité de son préjudice par l’effet de cette clause nous paraît inconciliable avec la limitation faite au syndicat de réclamer au copropriétaire fautif les dommages pour lesquels, autrement, il aurait été indemnisé par son assureur. En d’autres termes, si le syndicat peut réclamer au locataire, lequel est un tiers, la totalité de son préjudice, il ne peut réclamer au copropriétaire-bailleur plus que la franchise applicable au sinistre ou la réparation de dommage causé au bien assuré[13]. Il n’est pas envisageable que par le truchement d’une clause de responsabilité solidaire, le Syndicat puisse également réclamer la totalité de son préjudice au copropriétaire-bailleur en raison de la faute de son locataire, ce que la Loi vise précisément à empêcher.

En revanche, nous sommes d’opinion qu’une clause de la déclaration pourrait prévoir la possibilité pour le syndicat d’obtenir des dommages-intérêts pour tout autre préjudice n’étant pas la récupération des sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation de préjudice occasionné au bien. On peut penser, par exemple, à la récupération des frais engagés par le syndicat pour un gestionnaire à temps supplémentaire dans le cadre de la gestion d’un sinistre. Il ne s’agit pas d’une dépense engagée pour le paiement des franchises ou la réparation d’un préjudice occasionné au bien.

Le soussigné n’a pas connaissance d’une décision des tribunaux se prononçant sur la validité d’une pareille clause de solidarité. En revanche, la Cour du Québec, Division des petites créances, s’est prononcée[14] à quelques reprises depuis l’adoption du projet de Loi 141 sur la responsabilité d’un copropriétaire dans le contexte d’un préjudice causé au syndicat par la faute de son locataire. La Cour estime que la faute du locataire ne suffit pas à engager sa responsabilité du copropriétaire-bailleur nonobstant l’existence d’une clause de solidarité et sans la preuve d’une faute dans le chef dudit copropriétaire-bailleur. Bien que la Cour ne se soit pas prononcée sur la validité de la clause en tant que telle, les motifs de ces décisions permettent toutefois de penser qu’une clause de solidarité ne fait pas exception à l’obligation pour le syndicat de prouver la faute d’un copropriétaire s’il veut obtenir le recouvrement des sommes engagées pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci à un intérêt assurable. 

EN CONCLUSION

L’adoption du projet de Loi 141 et son application comporte son lot de situations qui demeurent potentiellement problématiques et requièrent une interprétation des tribunaux voire l’intervention du législateur.

L’unicité des procédures est essentielle dans un contexte qui fait exception aux principes généraux de la responsabilité civile des articles 1457 et 1458 CCQ suite à l’obligation d’un syndicat de copropriété de réparer des dommages dont il est rarement responsable. 

Considérant par ailleurs la possibilité d’un syndicat d’instituer un recours contre un locataire responsable du préjudice qu’il subit, celui-ci devrait pouvoir se prévaloir, par exception, du contenu obligationnel du contrat de louage auquel le locataire est tenu afin de démontrer la faute de ce dernier devant un tribunal qui n’est pas le Tribunal administratif du logement dont les attributions sont très spécifiques et circonscrites à la matière du bail de logement.


[1]     Art. 1894 CCQ

[2]     Yves Papineau, Le manuel de gestion d’un syndicat de copropriété divise au Québec, 3édition, Wilson & Lafleur, 2020.

[3]     Art. 1851 CCQ

[4]     Art. 1062 CCQ

[5]     Art. 1057 CCQ

[6]     Art. 2941 CCQ

[7]     Art. 620 et 624 du Code de procédure civile du Québec

[8]     Yves Papineau, Médiation et arbitrage en copropriété, les particularités, Développements récents en droit de la copropriété divise (2023), Barreau du Québec — service de la formation continue, p. 103 ;

[9]     Lahaye-Abenhaïm c. Association des copropriétaires du Lowney 1, 2018, QCCS 3215

[10]  GreCon Dimter inc. c. J.R. Normand inc., 2005, CSC, 46

[11]   Art. 1525 CCQ.

[12]   Art. 1526 CCQ.

[13]   Art. 1074.1 CCQ.

[14]   Barat Condominium c. Nawan, 2022, QCCQ 5982 ; Syndicat de la copropriété du 3149 et 3151 Boulvard de la Gare c. Azalea Immobilier inc., 2023 QCCQ, 1503 ; Syndicat des copropriétaires Tod 1 c. Xu, 2022 QCCQ, 3594; Sacré-Cœur syndicat des copropriétaires c. Thériault, 2022 QCCQ, 10199.

Me Sébastien Fiset
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