Écrit par Me Sébastien Fiset , LL.B., B.A.A. |
Mercredi, 31 Mars 2010 16:25 |
Recours pour charges communes (frais de condo) impayées
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Plusieurs recours existent afin qu’un syndicat de copropriété puisse percevoir les contributions aux charges communes auprès des copropriétaires qui négligeraient de les assumer.
a) Recours personnel
Un syndicat de copropriété peut, afin de recouvrer sa créance, procéder par recours personnel (i.e. contre le copropriétaire). En ce cas, tout dépendant des montants des contributions aux charges communes dues par le copropriétaire négligeant, un syndicat de copropriété peut s’adresser aux tribunaux par voie de requête introductive d’instance ou demande. Il procédera par voie de requête s’il s’agit d’un montant supérieur à 7 000 $ ou, si le syndicat de copropriété rempli les conditions et que sa créance est inférieure à 7 000 $, il pourrait recouvrir celle-ci par voie de demande à la Cour du Québec, division des petites créances.
b) Recours hypothécaire
Le syndicat de copropriété dispose également d’un recours hypothécaire afin de faire valoir sa créance. En ce cas, le syndicat vise alors, non le copropriétaire (recours personnel), mais sa fraction de copropriété. Ce recours s’exerce en trois (3) étapes :
1) Celui-ci s’entreprend par la publication au Registre foncier du Québec d’un avis d’hypothèque légale. Cette hypothèque légale du syndicat des copropriétaires grève la fraction du copropriétaire en défaut pendant plus de trente (30) jours de payer sa quote-part des charges communes ou sa contribution au fonds de prévoyance. Fait important : L’avis de l’hypothèque légale couvre tant le montant exigible au jour de l’inscription de l’avis, que le montant prévu pour les charges et créances de l’année financière en cours et celles des deux années subséquentes.
2) À défaut par le copropriétaire débiteur de voir à distraire la créance du syndicat (payer ses frais de condo), si celui-ci exerce son droit hypothécaire, il produira au bureau de la publicité des droits un préavis d’exercice dans lequel il dénoncera tout défaut par le débiteur copropriétaire d’exécuter ses obligations et rappeler le droit, du débiteur ou d’un tiers, de remédier à ce défaut et sommer celui contre qui le droit hypothécaire est exercé de délaisser sa fraction de copropriété ou confier l’administration de celle-ci dans les soixante (60) jours à compter de l’inscription du préavis.
3) Sans nouvelle du débiteur copropriétaire ou d’un tiers intéressé, le syndicat peut alors entreprendre un recours en justice pour obtenir le délaissement forcé, obtenir la prise en paiement (en suivant les termes de l’article 1097 du Code civil du Québec) ou l’administration de ladite fraction de copropriété.
c) Droit de suite
En plus des deux recours ci-dessus, un syndicat de copropriété dispose également du privilège de droit de suite. En effet, aux termes de l’article 1069 du Code civil du Québec, celui qui, par quelque mode que ce soit, y compris par suite de l’exercice d’un droit hypothécaire, acquiert une fraction de copropriété divise est tenu au paiement de toutes les charges communes dues relativement à cette fraction au moment de l’acquisition. Celui qui se propose d’acquérir une fraction de copropriété peut néanmoins demander au syndicat de copropriété un état des charges communes dues relativement à cette fraction et le syndicat est, de ce fait, autorisé à le lui fournir, sauf en aviser au préalable le copropriétaire vendeur de la fraction ou ses ayants cause; le futur copropriétaire proposant acquéreur n’est alors tenu au paiement de ces charges communes seulement si l’état lui est fourni par le syndicat dans les quinze (15) jours de la demande. Ce délai est extrêmement important. Votre syndicat doit être prêt à répondre à toute demande (acheteur, notaire ou avocat de l’acheteur), en tout temps, à l’intérieur de ce délai de rigueur. Sinon, il perd l’opportunité de percevoir le montant du nouveau copropriétaire.
d) L’injonction provisoire (ou l’ordonnance de sauvegarde) pour percevoir les charges communes (urgence)
Depuis le 9 mai 2008, une nouvelle arme a été reconnue par la Cour dans les cas où le défaut du copropriétaire mettait en péril la situation financière du syndicat. La consécration de ce principe a été appliquée par la jurisprudence de l’arrêt Tuli c. Syndicat des copropriétaires Les Jardins de l’Église.
Cette décision soulève plusieurs éléments de droit en copropriété qu’il est possible de résumer comme suit :
- Qu’un copropriétaire ne peut se faire justice à lui-même en retenant les contributions aux charges communes dues à son syndicat en raison de réclamations qu’il pourrait lui-même avoir contre son syndicat;
- Qu’il est en principe interdit d’obtenir par voie d’injonction une ordonnance pour forcer une partie à payer, mais :
- Qu’en certaines circonstances exceptionnelles, il sera permis par voie d’ordonnance de sauvegarde, d’obtenir avant l’audition au fond, les contributions aux charges communes dues par un copropriétaire négligeant;
- Que par exception, lorsque le droit est clair et apparent, l’urgence et la balance des inconvénients lors d’une émission d’une ordonnance de sauvegarde deviennent quelque peu secondaires;
- Qu’il est également possible par exception de procéder par voie d’ordonnance de sauvegarde tant pour des contributions aux charges communes régulières que des contributions aux charges communes dites spéciales ou désignées spéciales.
Nous croyons que cette décision aura un impact important dans plusieurs dossiers de Cour présents et à venir.
En effet, cette nouvelle arme juridique en matière de la copropriété permet dorénavant, dans le cas où la situation financière précaire du syndicat et de la collectivité des copropriétaires l’exigeait, la réception par le syndicat des frais de condo de façon immédiate du copropriétaire négligeant.
L’information fournie sur cette page est de nature générale et ne saurait pallier le besoin d’obtenir des conseils juridiques propres à une situation particulière.
Mise à jour le Samedi, 16 Août 2014 17:40