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Travaux : syndicats et copropriétaires, prenez garde!

Par Me Sébastien Fiset et Janel Beaudin

En matière de copropriété divise, plusieurs personnes peuvent se retrouver à exécuter des travaux. Par ailleurs, il n’est pas toujours évident de savoir ce qui est permis ou non pour le syndicat ou un copropriétaire, ainsi que les conditions de l’exercice de pareils travaux. L’objectif du présent texte est de vulgariser juridiquement les différents types de travaux, ainsi que les droits et obligations du syndicat et du copropriétaire en pareil cas. Notre étude du sujet sera abordée sous l’angle et dans le contexte de la copropriété verticale de type tour de condo. Dans un premier temps, nous aborderons les droits et obligations du syndicat, puis ceux du copropriétaire.

1.       Travaux : les droits et obligations du syndicat

Les obligations du syndicat de copropriété découlent principalement des termes de l’article 1039 C.c.Q., lequel définit le syndicat et son objet comme suit :

Upon the publication of the declaration of co-ownership, the co-owners as a body constitute a legal person, the objects of which are the preservation of the immovable, the maintenance and administration of the common portions, the protection of the rights appurtenant to the immovable or the co-ownership, as well as all business in the common interest. The legal person must, in particular, see to it that the work necessary for the preservation and maintenance of the immovable is carried out.

The legal person is called a syndicate.

Les parties communes

Une partie commune est une portion de l’immeuble et de son terrain qui appartient de façon indivise à tous les copropriétaires qui en ont un usage commun. Le Civil Code of Quebec présume certaines parties communes : « […] le sol, les cours, balcons, parcs et jardins, les voies d’accès, les escaliers et ascenseurs, les passages et corridors, les locaux des services communs, de stationnement et d’entreposage, les caves, le gros œuvre des bâtiments, les équipements et les appareils communs, tels les systèmes centraux de chauffage et de climatisation et les canalisations, y compris celles qui traversent les parties privatives »[1]. Bien que ces parties soient présumées communes, il est possible que la déclaration de copropriété stipule le contraire, il est donc important de la consulter, ainsi que les plans de cadastre, afin de bien connaître les parties communes et leurs bornes.

La conservation et l’entretien (ci-après, la « conservation ») des parties communes sont la responsabilité du syndicat. Cela inclut les travaux de réparations majeures et de remplacement des parties communes. Toutefois, si les travaux sont plutôt de transformation, d’agrandissement ou d’amélioration (ci-après « transformation »), ces travaux ne pourront être entrepris sans l’accord à la majorité des trois quarts des voix des copropriétaires, présents ou représentés à l’assemblée des copropriétaires[2]. Il est donc important de bien distinguer les travaux de conservation versus les travaux de transformation.

Dans l’affaire Dépanneur Paquin et Fils Inc. c. Syndicat de l’Édifice Emmanuel, [1995] R.D.I. 57 (C.S.), en ajoutant « agrandissement ou amélioration » avec « transformation », on vient mentionner que l’intention du législateur est que pour tous les travaux qui touchent la forme physique de l’immeuble au-delà de l’entretien, il faut demander la permission de l’assemblée des copropriétaires[3]. L’affaire Legendre c. Arpoulet, 2016 QCCS 1516, nous indique que, si l’on contrevient ou s’il est requis de se conformer à des normes de construction ou à des obligations municipales, les travaux de mise aux normes seront de conservation et non pas de transformation. Il en va de même lorsque le remplacement d’une composante par une autre entraîne une amélioration en raison des progrès techniques[4]. Dans cette décision l’escalier de secours ne respectait pas les normes de la Ville, c’est également le conseil d’administration qui avait l’autorité pour autoriser les travaux de mise aux normes.

Quant au coût, chacun des copropriétaires contribue aux charges communes selon la valeur relative de leur fraction respective[5].

Les parties communes à usage restreint

Sont dites parties communes à usage restreint, les parties communes qui peuvent ne servir qu’à l’usage de certains copropriétaires ou d’un seul[6]. À moins que la déclaration de copropriété stipule l’inverse, la responsabilité de l’entretien et de la conservation, comme pour les parties communes, est aussi la responsabilité du syndicat. À titre d’illustration, la responsabilité de changer l’ensemble des fenêtres de l’immeuble (lorsqu’elles sont des parties communes à usage restreint) relève de la conservation. Aussi, sauf stipulation contraire à la déclaration de copropriété, il s’agira donc de la responsabilité du syndicat d’y procéder[7].

Par ailleurs, les articles 1064 et 1072 C.c.Q. nous mentionnent que la déclaration de copropriété pourrait prévoir que les coûts de conservations des parties communes à usage restreint seront aux frais exclusifs des copropriétaires qui en ont l’usage. À défaut, ce sera au syndicat de voir à débourser les coûts relatifs aux réparations majeures des parties communes à usage restreint par l’entremise du fonds de prévoyance[8] et aux copropriétaires en ayant l’usage, d’en assumer les coûts de l’entretien et des réparations courantes.

Les parties privatives

Le Code civil du Québec définit la partie privative comme celle d’un bâtiment et d’un terrain qui est la propriété d’un copropriétaire déterminé et dont il a l’usage exclusif[9]. Les parties privatives ont toutes un numéro de lot distinct au cadastre du registre foncier du Québec, lequel est également différent de celui des parties communes[10]. Afin de bien identifier les limites des bornes de la partie privative, il est de rigueur de consulter à la fois la déclaration de copropriété et les plans de cadastre de l’immeuble.

De façon générale, un syndicat ne devrait pas s’immiscer dans les travaux des parties privatives et y effectuer des interventions. Le Code civil du Québec prévoit toutefois une exception lorsque des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble ou des travaux urgents doivent être effectués[11]. Dans l’affaire Syndicat de la copropriété des 4037 à 4041, avenue de Lorimier c. Togney, 2010 QCCS 4383, le syndicat désirait passer par la partie privative de la copropriétaire située au rez-de-chaussée afin d’installer des pieux de soutènement. La copropriétaire proposait au syndicat de plutôt passer par l’extérieur de l’immeuble, or cette méthode aurait entraîné une importante dépense supplémentaire. La Cour a ordonné à la copropriétaire de donner accès à son logement pour l’exécution des travaux.

De plus, il n’est pas rare de voir des clauses dans les déclarations de copropriété stipulant que si un copropriétaire fait défaut de s’exécuter, alors le syndicat sera autorisé à le faire pour lui, à ses frais, et souvent accompagné d’une clause pénale. Il pourrait par exemple en être ainsi lorsque la déclaration de copropriété exige le remplacement du chauffe-eau tous les 10 ans. En cas de défaut et de résistance d’un copropriétaire d’octroyer l’accès à sa partie privative pour des travaux requis, le syndicat pourrait s’adresser au tribunal pour y être autorisé[12].

Indemnité et réparation des troubles et de la perte de jouissance subi

Si le syndicat exécute des travaux, un copropriétaire pourra être indemnisé en cas de préjudice tel que la diminution de la valeur de sa fraction, une dégradation, ou un trouble de jouissance grave, même temporaire[13].

De même, s’il s’agit d’un défaut d’entretien des parties communes ou d’un vice de conception ou de construction qui cause un préjudice à un copropriétaire ou un tiers, le syndicat en sera responsable[14].

Enfin, dans les cas qui ne sont pas spécifiquement prévus par le droit de la copropriété divise, le copropriétaire conserve également ses recours généraux contre le syndicat ou un autre copropriétaire en cas de faute contractuelle[15].

2.       Travaux : les droits et obligations du copropriétaire 

Les obligations du copropriétaire peuvent se tirer de plusieurs sources. L’une des premières obligations du copropriétaire est un corollaire de la responsabilité du syndicat de veiller à l’exécution des travaux de conservation de l’immeuble[16]. C’est-à-dire qu’un copropriétaire se doit d’en payer le coût par l’entremise des charges communes de l’immeuble[17].

La déclaration de copropriété prévoira généralement les obligations que devront respecter les copropriétaires sous peine d’engager leur responsabilité. Les articles 1062 et 1063 C.c.Q prévoient qu’un copropriétaire doit respecter la déclaration de copropriété. Il ne doit pas porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, dont leur droit à la libre jouissance des lieux, ni à la destination de l’immeuble. Sinon, il pourrait en être tenu responsable[18].

Les parties communes

Les copropriétaires ne sont généralement pas admis à effectuer des travaux sur les parties communes[19]. Le droit d’un copropriétaire d’effectuer, par exemple, des travaux qui affectent les parties communes de l’immeuble est inexistant en l’absence d’autorisation du Syndicat[20].

Les parties communes à usage restreint

D’une part, la responsabilité contractuelle et légale d’effectuer les travaux de conservations requis par les parties communes à usage restreint revient au syndicat. Cependant, dans les cas d’exception, les termes de la déclaration de copropriété peuvent transférer au copropriétaire cette responsabilité, il est alors tenu d’exécuter cette obligation en nature, en tout ou en partie. Par ailleurs, si le copropriétaire ne s’exécute pas, le syndicat demeurera tenu des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d’entretien des parties communes. Nonobstant, le syndicat conservera le droit à toute action récursoire contre le copropriétaire pour le préjudice qu’il aura ainsi causé[21].

D’autre part, le conseil d’administration n’a pas l’autorité requise pour autoriser un copropriétaire à effectuer des travaux de transformation. Dans ce cas, les travaux devront être autorisés par l’assemblée des copropriétaires[22], limitant quasi absolument ce que peuvent faire comme travaux les copropriétaires individuellement sur les parties communes.

Illustrons la situation avec, par exemple, un balcon qui serait une partie commune à l’usage restreint d’un seul copropriétaire. La déclaration de copropriété pourrait interdire au copropriétaire d’installer des tapis d’extérieurs amovibles, des barbecues, des meubles et chaises, des abris extérieurs et etc. sur les balcons, et ce dans le but de préserver l’harmonie architecturale de l’immeuble[23].

Si un copropriétaire voulait effectuer des travaux de transformation, comme installer une thermopompe sur le balcon, y coller un tapis permanent ou fixer une antenne sur le mur extérieur, il devra obtenir l’autorisation de l’assemblée des copropriétaires[24].

Les parties privatives

Afin de bien connaître les travaux que peut, ou non, faire le copropriétaire dans sa partie privative, il est primordial de consulter à la fois les règlements municipaux, mais aussi et obligatoirement la déclaration de copropriété, laquelle contient les restrictions au droit des copropriétaires, ainsi que les modalités et procédures pour les demandes de permission. Un permis de la Ville ne saurait suffire.

En effet, il faut noter que ce n’est pas parce qu’un copropriétaire obtient un permis de la Ville que dans les cas où la déclaration de copropriété mentionne la nécessité d’obtenir l’autorisation du syndicat, que celle-ci ne sera plus nécessaire. Il s’agit de deux entités distinctes et le copropriétaire devra tout de même obtenir l’autorisation du syndicat.

De plus, le copropriétaire doit bien distinguer ce qui relève de sa partie privative, de ce qui se trouve à être des parties communes de l’immeuble.

Dans sa partie privative, il pourra apporter des modifications à la décoration, telle que repeinturer, changer les armoires, les électroménagers, etc. Toutefois, s’il y a des risques que ces travaux, eux-mêmes ou leurs résultantes, affectent la jouissance d’un autre copropriétaire ou les parties communes, alors il est préférable de consulter un conseiller juridique.

De même, si les travaux décoratifs ne sont pas purement cosmétiques et demandent de faire des trous dans les murs ou planchers et passer de nouveaux conduits électriques ou de canalisation, comme pour ajouter des lumières murales, il sera requis d’aviser le conseil d’administration pour visibilité et permission et en cas de doute, de consulter un conseiller juridique. En effet, il faudra examiner le cas de votre copropriété, quelles sont les limites des bornes des parties privatives, ainsi que l’absence, ou non, d’incidence sur vos voisins. Si les travaux dépassent les bornes des parties privatives, vous empièterez alors dans la copropriété de tous les copropriétaires et serez soumis, si applicables, aux articles 1097 al. 1 C.c.Q. (aliénation/acquisition immobilière), 1097 al. 2 C.c.Q. (transformation des parties communes) et 1097 al. 4 C.c.Q. (modification de l’état descriptif des fractions).

Si vous souhaitez plutôt changer le revêtement de sol, il sera alors judicieux de regarder ce que prévoie la déclaration de copropriété, et plus précisément l’acte constitutif (1053 C.c.Q.), afin de voir si des conditions ou restrictions s’appliquent. Vu le grand nombre de litiges en la matière, il est toujours recommandé de consulter un conseiller juridique avant de changer un revêtement de sol. Il n’est malheureusement pas rare pour un copropriétaire du dessous de poursuivre son voisin du haut en raison de nouveaux troubles de jouissance qui n’existaient pas avant la modification du revêtement de sol ou pour lui ordonner des ajustements ou même son retrait.

Conséquemment, nous retrouvons plusieurs exemples en jurisprudence de copropriétaire qui ont dû retirer le recouvrement de sol choisi afin d’en remettre un qui soit permis par la déclaration de copropriété. Notamment, dans l’affaire Syndicat des copropriétaires Condominium Le Commandeur c. Gosselin, 2007 QCCS 4404, le copropriétaire a remplacé le revêtement de tapis qui se trouvait dans son unité par un revêtement de bois flottant, et ce sans la permission préalable du syndicat, alors que cela était exigé par la déclaration de copropriété. Le syndicat a eu gain de cause, la Cour jugeant que la copropriété accordait beaucoup d’importance à la quiétude de l’immeuble. Elle a donc ordonné au copropriétaire de retirer le revêtement et d’en installer un qui soit autorisé.

Selon la décision Saba c. Fitzgibbon, AZ-94021584, reprenant la jurisprudence antérieure, lorsque le recouvrement de sol actuel est du tapis, il est même possible que la déclaration de copropriété prohibe entièrement tout autre type de recouvrement. Telle clause est valide si justifiée par la destination de l’immeuble. Il est aussi possible qu’une déclaration de copropriété prévoie plutôt certaines normes à respecter comme c’était le cas dans cette décision. Lorsque la déclaration de copropriété autorise de remplacer le tapis par un recouvrement de bois à condition de respecter une norme spécifique, celle-ci doit être raisonnablement atteignable.

En plus des restrictions sus mentionnées, il est courant de voir des restrictions quant aux couvre-fenêtres utilisés, aux pancartes/publicité que l’on peut afficher à partir de notre unité, à l’utilisation de l’électricité/plomberie, au chauffage et bien plus encore[25].

Ainsi, il est important de toujours consulter la déclaration de copropriété et ses amendements avant d’entreprendre quelques projets dans sa partie privative.


[1] Art. 1044 C.c.Q.

[2] Art. 1097(2) C.c.Q.

[3] Art. 1097(2) C.c.Q.

[4] Christine GAGNON et Yves PAPINEAU, Guide de procédure et de fonctionnement des assemblées des copropriétaires, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2021, à la p. 139-140.

[5] Art. 1043 et 1064 al. 1 C.c.Q.

[6] Art. 1043 al. 2 C.c.Q.

[7] Syndicat des copropriétaires du 6381-20e Avenue c. Jouzkiv, 2017 QCCS 1085.

[8] Art. 1071 C.c.Q.

[9] Art. 1042 C.c.Q.

[10] Art 3030 C.c.Q.

[11] Art. 1066 C.c.Q.

[12] Art. 1080 C.c.Q.

[13] Art. 1067 C.c.Q.

[14] Art. 1077 C.c.Q.

[15] Art. 1458 C.c.Q.

[16] Art. 1039 C.c.Q.

[17] Art. 1064 C.c.Q.

[18] Art. 976 C.c.Q., 1458 C.c.Q. et 6 de la Charter of Human Rights and Freedoms, CQLR c C-12

[19] Sauf précédemment mentionné en vertu de 1097(2) C.c.Q.

[20] Huard c. Syndicat des copropriétaires Le Montégérien, 2016 QCCS 6016.

[21] Art. 1077 C.c.Q.

[22] Art. 1097(2) C.c.Q.

[23] 9086-5825 Québec inc. c. Pelletier, [2003] R.D.I. 673.

[24] Art. 1097(2) C.c.Q.

[25] Christine GAGNON, La copropriété divise, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2020, par 550.

Me Sébastien Fiset
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