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La destination de l’immeuble d’une copropriété (partie I)

Écrit par Me Sébastien Fiset , LL.B., B.A.A.
Vendredi, 21 Janvier 2011 12:07

LA DESTINATION DE L’IMMEUBLE EN CONDO

Contacter l’auteur : s.fiset@fisetlegal.com

PARTIE I

La destination d’un immeuble détenu en copropriété divise est définie pour partie à la déclaration de copropriété. Elle est un des éléments des plus importants qui influencera sur les droits et obligations qu’auront les copropriétaires dans cet immeuble. C’est la vie même des copropriétaires qui en sera affectée. Elle aura également un impact majeur au sein de la collectivité des copropriétaires quant aux prises de décisions.

Un acheteur éventuel sera avisé avant l’achat de consulter la déclaration de copropriété afin de vérifier si la destination de l’immeuble qui l’intéresse reflète bien le « profil » de ce qu’il recherche.

DESTINATION = VOCATION

Aux termes de l’article 1053 du Code civil du Québec :

« L’acte constitutif de copropriété définit la destination de l’immeuble, des parties privatives et des parties communes.

Il détermine également la valeur relative de chaque fraction et indique la méthode suivie pour l’établir, la quote-part des charges et le nombre de voix attachées à chaque fraction et prévoit toute autre convention relative à l’immeuble ou à ses parties privatives ou communes. Il précise aussi les pouvoirs et devoirs respectifs du conseil d’administration du syndicat et de l’assemblée des copropriétaires. »

[Les caractères gras sont nôtres]

Les diverses vocations auxquelles un immeuble peut être notamment destiné sont :

– résidentielle;

– commerciale;

– pour fins de villégiature;

– pour personnes âgées avec services appropriés;

– vocation mixte (résidentielle et commerciale par exemple).

Or, cette catégorisation peut sembler quelque peu discriminatoire. Il est pourtant stipulé à l’article 1063 C.c.Q. :

« Chaque copropriétaire dispose de sa fraction; il use et jouit librement de sa partie privative et des parties communes, à la condition de respecter le règlement de l’immeuble et de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »

[Les caractères gras et soulignés sont nôtres]

La déclaration de copropriété déterminera les conditions de jouissance, les limites des droits individuels des copropriétaires en les encadrant. L’article 1056 C.c.Q. mentionne :

« La déclaration de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf celles qui sont justifiées par la destination de l’immeuble, ses caractères ou sa situation. »

[Les caractères gras sont nôtres]

L’article 13 de la Charte des droits et libertés de la personne interdit toutes stipulations discriminatoires :

« Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination. »

Il faut donc faire preuve de prudence lors de l’élaboration de la définition de la destination de l’immeuble car elle ne doit pas être discriminatoire mais au contraire élaborée avec précision afin d’écarter le plus possible les risques de conflits d’interprétation.

Outre ce qui est écrit dans la déclaration de copropriété d’un immeuble, plusieurs autres facteurs contribuent à définir la « destination de l’immeuble », sa vocation propre, dont ces trois (3) éléments essentiels :

  1. l’élément objectif (la situation de l’immeuble, la répartition des unités d’habitation, le niveau de confort et de luxe, l’harmonie de l’ensemble immobilier);
  2. l’élément subjectif [ les conditions pour lesquelles les acheteurs acquièrent leurs fractions (historique de l’immeuble, situation sociale de ses occupants, etc.) ];
  3. l’élément collectif (sauvegarde de l’intérêt général des copropriétaires).

D’autres éléments, tels les caractéristiques physiques de l’immeuble, peuvent également définir la destination de l’immeuble.

À la lecture de la déclaration de copropriété au chapitre de « La destination de l’immeuble », on retrouvera la description sommaire de celle-ci. Toutefois, la lecture ne doit pas s’arrêter là. Ce serait comme observer le tableau d’une peinture inachevée. La destination sera notamment plus amplement précisée tout au long de la déclaration de copropriété. Toutes les parties de l’immeuble contribuent à déterminer la destination de celui-ci. Un passage sera donc réservé aux « Parties privatives » en précisant les fins pour lesquelles celles-ci sont destinées[1] dans le cas où elles n’auraient pas toutes la même destination. Il peut être également nécessaire parfois d’apporter certaines précisions en regard des « Parties communes »[2], celles-ci pouvant recevoir une affectation bien particulière.

Aucun règlement de l’immeuble ou clause à la déclaration de copropriété ne peuvent être imposés aux copropriétaires si ceux-ci ne sont pas justifiés par la destination de l’immeuble. Les règlements de l’immeuble sont intimement liés à la destination de l’immeuble et doivent également être modifiés dans le respect de l’article 1056 C.c.Q.

S’il est nécessaire un jour de modifier la destination d’un immeuble, cela pourra être possible en respectant toutefois les articles 1098 et 1102 du Code civil du Québec quant aux majorités requises[3] :

« 1098… Sont prises à la majorité des 3/4 des copropriétaires, représentant 90% des voix de tous les copropriétaires, les décisions:

1° Qui changent la destination de l’immeuble;

2° Qui autorisent l’aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au maintien de la destination de l’immeuble;

3° Qui modifient la déclaration de copropriété pour permettre la détention d’une fraction par plusieurs personnes ayant un droit de jouissance périodique et successif. »

« 1102. Est sans effet toute décision du syndicat qui, à l’encontre de la déclaration de copropriété, impose au copropriétaire une modification à la valeur relative de sa fraction, à la destination de sa partie privative ou à l’usage qu’il peut en faire. »

La destination d’un immeuble étayée dans une déclaration de copropriété et à l’extérieur de celle-ci est comme un manuel d’instruction que l’on reçoit lors de l’achat d’un outil. Le manuel d’instruction (la déclaration de copropriété) nous indique le fonctionnement de l’outil (l’immeuble), comment il doit être utilisé et précise les usages prohibés.

L’interprétation de la destination d’un immeuble, d’une partie privative ou commune a fait couler beaucoup d’encre en jurisprudence. Des ordonnances ont notamment été émises lorsque des gestes en contravention à la destination de l’immeuble ont été posés sans la majorité requise (1098 C.c.Q.) ou que des règlements ont été adoptés sans que la destination ne les justifie.

Nous traiterons de quelques uns de ceux-ci dans le deuxième volet de ce texte, savoir : la destination de l’immeuble et la présence d’animaux[4], les activités des copropriétaires dans les parties privatives, la location des fractions, les revêtements de sol[5] dans les parties privatives et les aménagements privatifs.

Tenez-vous le dit pour dit : la destination de l’immeuble est primordiale en droit de la copropriété divise. Elle est le fondement intrinsèque de l’affectation et des droits d’usage de l’immeuble.

L’information fournie sur cette page est de nature générale et ne saurait pallier le besoin d’obtenir des conseils juridiques propres à une situation particulière.


[1] Les espaces privatifs définis comme exclusivement à l’occupation résidentielle rendra impossible la pratique d’une profession libérale.

[2] (salle communautaire, les remises, les garages, la piscine, les espaces verts et le hall d’entrée, etc.)

[3] Voir notre texte « Vote aux assemblées des copropriétaires – les majorités requises »

[4] Voir également notre texte « Les animaux en copropriété »

[5] Voir également notre texte « Recouvrement de plancher en copropriété »

Mise à jour le Samedi, 16 Août 2014 17:10

Me Sébastien Fiset
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