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Comment récupérer les franchises auprès d’un copropriétaire responsable d’un sinistre ?

La Loi visant principalement à améliorer l’encadrement du secteur financier, la protection des dépôts d’argent et le régime de fonctionnement des institutions financières prévoit que, dorénavant, lorsqu’un sinistre est causé par une partie privative, il doit y avoir une faute du copropriétaire pour que le syndicat de copropriété puisse récupérer le montant de la franchise ou la réparation du préjudice occasionné aux biens :

« 1074.2. Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute.
Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa. »

L’entrée en vigueur de cet article rend invalides les clauses standards des déclarations de copropriété imposant au copropriétaire une responsabilité sans faute pour tout dommage causés par des biens dont un copropriétaire est légalement responsable. Ces clauses permettaient au syndicat de récupérer le montant des franchises auprès de l’assureur en responsabilité civile d’une copropriétaire dont l’unité est à l’origine d’un sinistre sans débat sur la négligence du syndicat1. Le copropriétaire était responsable pour le paiement de la franchise par l’effet de la déclaration de copropriété, un contrat qui lui est opposable.

Ce nouvel article peut donc causer des conséquences fâcheuses pour la récupération des franchises par le syndicat en cas de dégât d’eau causé, par exemple, par le bris d’un tuyau de machine à laver.

Dans quelles circonstances un copropriétaire est-il en faute?

Dans un contexte de responsabilité extracontractuelle, une faute est un comportement qui s’écarte de celui d’une personne normalement prudente et diligente. Afin d’aider et de protéger les victimes de dommages résultant d’une faute extracontractuelle, le régime général de la responsabilité civile extracontractuelle prévoit une présomption de faute du gardien d’un bien dont le fait autonome cause un préjudice :

« 1465. Le gardien d’un bien est tenu de réparer le préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu’il prouve n’avoir commis aucune faute. »

Or, la relation entre le copropriétaire et le syndicat est contractuelle. Dans une relation contractuelle, la faute consiste en une inexécution totale ou partielle, ou encore une exécution tardive ou mauvaise d’une obligation prévue au contrat. Le Code civil du Québec prévoit que des cocontractants « ne peuvent alors se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables. »2 .

Est-ce que la présomption de faute de l’article 1465 du Code civil du Québec peut s’appliquer au copropriétaire?

Un courant jurisprudentiel a appliqué la présomption de faute du régime de responsabilité contractuelle, mais la Cour d’appel du Québec a écarté ce courant dans une décision portant sur un contexte locatif :

« [2]    Les obligations des parties sont d’abord régies par le bail qui les lie et, de façon supplétive, par les dispositions du Code civil relatives au contrat de louage. Le bail P-2 conclu par les parties est silencieux quant aux obligations incombant à l’une et à l’autre en ce qui concerne la sécheuse à linge d’où origine l’incendie. Cet appareil électroménager a été fourni par le locateur, M. Marcoux, à l’usage exclusif du salon de coiffure de la locataire, Mme Giroux. Le bail précise, il est vrai, que la locataire devra « défrayer les coûts d’entretien ou de réparation des appareils de climatisation qui lui sont prêtés pendant la durée du bail »[1]., mais rien en ce qui concerne la sécheuse.
[3]    Or, l’article 1862 C.c.Q. 2e al. oblige le locataire, lorsque le bien loué est un immeuble, à indemniser le locateur des dommages subis « que s’il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ». Telle est la disposition applicable ici. Ajoutons qu’un cocontractant ne peut se soustraire à l’application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui lui seraient plus profitables (art. 1458, 2e al. C.c.Q. La présomption de l’article 1465 C.c.Q. ne peut donc trouver application en présence d’une relation locataire-locateur[2]3

On ne peut donc pas conclure à l’application de la présomption de faute dans le contexte de la copropriété. Par analogie, alors que la faute du locataire commercial s’apprécie en fonction des obligations prévues au bail, celle du copropriétaire s’apprécie en fonction des obligations prévues à la déclaration de copropriété.

Il devient donc dorénavant important d’adopter des règlements obligeant les copropriétaires à adopter des standards élevés de diligence dans leurs comportements. Bien que la mise en œuvre d’une telle règlementation soit difficile à opérer, lors de la survenance d’un sinistre, la faute contractuelle d’un copropriétaire qui ne se conforme pas à un règlement serait claire.

Des mesures de prévention

En plus d’une règlementation permettant de documenter la faute des copropriétaires, le mise en place de mesures musclées de prévention devient plus rentable. Le paiement de montants de franchise par les syndicats pour les dégâts d’eau est maintenant un incitatif, par exemple, à l’installation de détecteurs d’eau et par la vérification des conduits de tous les copropriétaires par un plombier engagé par le syndicat.

Il devient donc dorénavant d’autant plus important de mettre en place des mesures de prévention des sinistres visant à améliorer les pratiques, mais également à documenter la faute d’un copropriétaire en cas de sinistre pour la récupération de la franchise auprès de son assureur.

Pour plus de renseignement concernant la règlementation recommandée pour prévenir les sinistres et le paiement de franchises onéreuses par les syndicats de copropriété, écrivez-nous au l.c-theriault@fisetlegal.com

1 2010 QCCQ 1793.
2 1458 C.c.Q.
3 2016 QCCA 1562

Me Sébastien Fiset
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